Les Etats-Unis, Barack Obama en tête, rejoignent samedi en Indonésie le Sommet de l'Asie orientale (EAS), qui réunit les géants du continent, tentant de faire contrepoids à la Chine et de rassurer les alliés sur l'engagement de Washington dans la région. Bénéficiant jusqu'à présent d'un statut d'observateur, les Etats-Unis feront officiellement leur entrée dans l'EAS en même temps que la Russie, élargissant à 18 le nombre de membres permanents de l'organisation. L'EAS regroupe jusqu'à présent la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Inde, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, aux côtés des dix pays de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), qui se réunira en sommet annuel à partir de jeudi, également sur l'île indonésienne de Bali. Pour certains Etats en délicatesse avec Pékin sur des questions territoriales, la participation américaine à l'EAS est un signe fort adressé à la Chine. "On n'invite pas sciemment quelqu'un pour contrer qui que ce soit d'autre. Mais au bout du compte, c'est bien ce qui se passe", affirme ainsi le secrétaire général de l'ASEAN, Surin Pitsuwan. Le Vietnam, les Philippines et Taïwan se heurtent à la Chine sur la souveraineté d'îles de la mer de Chine méridionale riche en hydrocarbures, notamment les îles des Spratleys, que Pékin considère siennes. La Chine refuse toute ingérence, privilégiant les négociations bilatérales dans lesquelles elle peut peser de tout son poids de deuxième puissance économique mondiale. "Dans leur immense majorité, les pays asiatiques savent qu'ils bénéficient de la croissance économique de la Chine, mais il existe aussi des inquiétudes (...) concernant son expansion politique et militaire", explique Tim Huxley, directeur du bureau singapourien de l'International Institute of Strategic Studies. C'est dans ce contexte que Barack Obama fera une étape en Australie, avant de s'envoler pour le sommet de l'EAS, pour annoncer le positionnement permanent de Marines dans le nord de l'Australie, ce qui va s'ajouter aux bases américaines dans la région: à Okinawa (Japon), en Corée du Sud et sur l'île de Guam. Mais par-delà leurs jeux d'influence, les Etats-Unis et la Chine ont des intérêts convergents et prioritaires au plan économique qui rendent très improbable un affrontement plus musclé, affirme Richard Cronin, du groupe de réflexion américain Stimson Center. "Les Etats-Unis et la Chine restent interdépendants économiquement", estime-t-il. Le président Obama, qui a lancé dimanche à Hawaï son projet de création de la plus grande zone de libre-échange du monde, le "Partenariat transpacifique" (TPP), a redit l'intérêt vital de la région pour les Etats-Unis face au spectre de la récession. "L'Asie-Pacifique est absolument cruciale pour la croissance économique de l'Amérique. Nous pensons que c'est une priorité absolue", a-t-il dit. Pour Geoffrey Garrett, directeur du centre d'études américaines à l'université de Sydney, la stratégie américaine est double. Il lui faut d'abord "consolider ses alliances et ses amitiés dans la région, en guise d'assurance au cas où la montée en puissance de la Chine, pour le moment pacifique, change de nature". Mais Washington doit aussi "construire une architecture économique régionale (...) que la Chine pourrait être tentée de rejoindre", ajoute l'expert. Outre le différend sur la mer de Chine méridionale, les sommets de l'Asean et de l'EAS devraient aborder le délicat dossier birman. Jusqu'à peu encore relégué au ban des nations, la Birmanie fera campagne pour présider l'Asean en 2014, tentant de prouver la sincérité de ses réformes démocratiques, notamment avec la libération prévue d'une nouvelle salve de prisonniers politiques.