Washington et Paris ont annoncé que leurs ambassadeurs étaient de retour à Damas pour se tenir aux côtés du peuple syrien. Le représentant français avait été rappelé à la mi-novembre en raison de violences contre les intérêts français dans le pays. L'ambassadeur américain avait, quant à lui, quitté la Syrie dès octobre dernier en raison de menaces pour sa sécurité. La secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, quand à elle, a rencontré avant-hier à Genève des membres du Conseil national syrien, formé par l'opposition. L'ambassadeur américain Robert Ford sera donc de retour à Damas tout prochainement, après avoir été prié de rentrer aux Etats-Unis pour des raisons sécuritaires le 24 octobre dernier, a annoncé hier le porte-parole du département d'Etat, M. Mark Toner. La date de retour n'a pas été précisée, mais selon certaines sources, le diplomate américain a été à Damas hier. Selon le porte-parole, Robert Ford a terminé ses consultations à Washington et il est de retour en Syrie, précisant que M. Ford poursuivra le travail qu'il faisait auparavant, à savoir transmettre le message des Etats-Unis au peuple syrien, fournir des rapports fiables sur la situation sur le terrain, et s'engager avec toutes les parties de la société syrienne sur la façon de mettre fin à l'effusion de sang et de parvenir à une transition politique pacifique. Pour M. Toner, les Etats-Unis pensent que la présence de M. Ford en Syrie est parmi les moyens les plus efficaces pour envoyer un message que les Etats-Unis se tiennent avec le peuple syrien. Après le retour de M. Ford à Washington à la fin octobre dernier, la porte-parole du Département d'Etat, Victoria Nuland, avait déclaré qu'il était rentré aux Etats-Unis pour une durée indéterminée et pour des consultations. Il n'a pas été retiré ni rappelé. Elle souligne qu'ils s'inquiétaient de la campagne de provocations menée par les médias du régime syrien contre l'ambassadeur personnellement et de la situation sécuritaire que cela a engendré. Les menaces qui avaient été proférées par les manifestants pro-régime syrien contre l'ambassadeur américain, qui n'était arrivé à Damas qu'au début de l'année 2011 lorsque Washington avait décidé de rouvrir une ambassade en Syrie, étaient liées à ses prises de position dans le cadre du mouvement de contestation populaire à l'encontre du régime de Bachar el-Assad. A plusieurs reprises, il s'était rendu sur les lieux des manifestations qui ont été réprimées et avait critiqué le régime syrien sur Facebook. Il est à souligner que la Ligue arabe, qui tente de résoudre pacifiquement la crise syrienne, examine actuellement les nouvelles conditions posées par Damas comme préalable à la signature du protocole relatif à l'envoi d'observateurs en Syrie. Dans un courrier transmis au secrétaire général de la Ligue arabe Nabil al-Arabi, le gouvernement syrien a annoncé que la Syrie a répondu positivement à la question de la signature du protocole arabe, tout en demandant quelques amendements mineurs qui ne touchent pas au fond du protocole. Hillary Clinton rencontre les membres de l'opposition syrienne La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a rencontré hier à Genève des membres du Conseil national syrien (SNC), groupe d'opposition de Syrie, un signe indiquant un rapprochement entre les Etats-Unis et les groupes déterminés à renverser le gouvernement du président syrien Bachar Al-Assad. Selon des sources de la mission américaine à Genève, Mme Clinton a déclaré dans une allocution devant des hauts responsables du SNC qu'elle était particulièrement intéressée dans son travail par la manière dont se déroulera la transition démocratique. En référence à un projet d'arrangement politique du SNC qui aurait selon des reportages été remis aux Etats-Unis, Mme Clinton a déclaré qu'il y a là beaucoup d'idées très constructives, car évidemment une transition vers la démocratie implique davantage que de simplement éliminer le régime de M. Assad. Le même jour, le département d'Etat américain a déclaré que les Etats-Unis renvoyaient leur ambassadeur en Syrie après une absence de six semaines. La secrétaire d'Etat américaine est en Europe depuis trois jours pour une visite qui doit durer cinq jours au total. Bachar al-Assad nie avoir ordonné de tuer des manifestants Le président syrien Bachar al-Assad a nié avoir donné l'ordre de tuer des manifestants dans son pays, affirmant que seul un fou ferait cela, dans un entretien accordé à la chaîne de télévision américaine ABC News diffusé hier. Concédant toutefois que des membres des forces armées avaient pu aller trop loin, il a poursuivi que toute réaction violente a été le fait d'un individu, et non pas d'une institution et qu'il y aurait une différence entre une répression politique délibérée et quelques erreurs commises par certains responsables. Il y a une grande différence. " Il n'y a pas eu d'ordre demandant de tuer ou d'être violent ", a-t-il affirmé. Interrogé toute fois sur le bilan avancé par l'ONU de 4 000 morts dans la répression des manifestants qui secouent le pays depuis neuf mois, Bachar al-Assad a répondu : " Qui a dit que l'ONU était une institution crédible ? ". Le président syrien a par ailleurs assuré que la plupart des personnes tuées dans les heurts étaient des partisans du régime, et non l'inverse, citant le chiffre de 1 100 soldats et policiers morts. Il fut finalement interrogé sur les sanctions prises à l'encontre de la Syrie pour faire pression sur son régime, Bachar al-Assad en a minimisé la portée en jigeant qu'ils sont visés par des sanctions depuis 30, 35 ans et que ce n'était pas quelque chose de nouveau. " Nous ne sommes pas isolés. Les gens vont et viennent, il y a des échanges commerciaux, vous avez tout ce que vous voulez ", a-t-il déclaré. La Syrie compte sur l'Irak et le Liban pour survivre La Syrie, sous le coup de sanctions sans précédent des pays occidentaux et arabes, ne manquera pas de se tourner vers le Liban et l'Irak, qui peuvent devenir des couloirs économiques pour leur voisin en pleine crise, sans pour autant violer les sanctions, selon des experts. Le Liban et l'Irak pourraient devenir les poumons de la Syrie, d'une certaine façon, et lui permettre de continuer à respirer malgré les sanctions, explique Lahcen Achy, analyste économique au centre Carnegie pour le Moyen Orient. La Ligue arabe a approuvé une série de sanctions, les plus sévères jamais adoptées par l'organisation envers l'un de ses membres, contre le gouvernement de Bachar Al Assad, pour protester contre la violente répression de la révolte populaire qui agite le pays depuis déjà huit mois et demi. Ces sanctions, que ni le Liban ni l'Irak n'ont approuvées, prévoient notamment un gel des transactions commerciales avec le gouvernement syrien, et une suspension de tous les vols entre Damas et les pays arabes. La Turquie a emboîté le pas en décrétant un gel des transactions avec Damas et entre les banques centrales turque et syrienne. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont eux aussi alourdi leurs sanctions envers le régime. Pour l'économie syrienne, qui souffrait bien avant la révolte d'un important taux de chômage et d'une faible croissance, la seule planche de salut pourrait bien être ses voisins, qui devront cependant prendre des précautions pour éviter de s'attirer les foudres de la communauté internationale. Les commerçants et hommes d'affaires syriens peuvent ainsi déposer du liquide dans les banques libanaises, soit directement soit en passant par des ressortissants libanais, explique M.Achy. Cependant, toute violation flagrante des sanctions n'apporterait au Liban que des pressions et des soucis supplémentaires. Si les vols vers Damas venaient à être interrompus, les aéroports libanais et irakiens pourraient voir leur trafic augmenter, les voyageurs décidant d'y atterrir afin de se rendre en Syrie en voiture. Mohammed Shamseddine, du centre de recherche information international, basé à Beyrouth, estime que les sanctions auront un impact, mais rien d'incontournable.