L'opposition islamiste syrienne a accusé, hier, la Ligue arabe de "couvrir" la répression de la contestation populaire menée par le régime, après sa décision de maintenir sa mission d'observation critiquée pour son incapacité à mettre fin à dix mois d'effusion de sang. La Turquie, qui a réclamé à maintes reprises le départ du président syrien Bachar al-Assad, a entre-temps appelé l'opposition syrienne à continuer sa résistance contre le régime par des "voies pacifiques", après une rencontre avec le Conseil national syrien (CNS), le plus important groupe d'opposition. Le pape Benoît XVI a plaidé quant à lui pour l'ouverture d'"un dialogue fructueux" en Syrie, "favorisé par la présence d'observateurs indépendants", répétant son appel à une "rapide fin des effusions de sang" dans ce pays. "Il est clair que la mission des observateurs cherche à couvrir les crimes du régime syrien en lui donnant davantage de temps et d'occasions pour tuer notre peuple et briser sa volonté", ont affirmé dans un communiqué, les Frères musulmans, membres du CNS. Le rapport de la mission des observateurs "met sur un même pied d'égalité le bourreau et la victime et fait un parallèle entre la machine à tuer officielle avec les chars et les roquettes et les opérations individuelles d'auto-défense", ont-ils accusé. Le comité ministériel de la Ligue arabe en charge du dossier syrien a décidé, avant-hier, de "donner aux observateurs le temps nécessaire pour poursuivre leur mission conformément au protocole", après avoir examiné le premier rapport du chef des observateurs, le général soudanais Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi. Ce protocole prévoit, outre la mission d'observation entamée le 26 décembre pour une durée d'un mois, l'arrêt des violences, la libération des détenus, le retrait de l'armée des villes et la libre circulation pour les observateurs arabes et la presse. Mais la répression sanglante de la contestation populaire a continué malgré cette mission, faisant des centaines de morts selon l'opposition qui accuse en outre les observateurs d'être "manipulés" par le régime Assad. Ce dernier s'en est pris, par la voix du quotidien Techrine, au chef de la diplomatie du Qatar Hamad ben Jassem Al-Thani, qui préside le comité ministériel, l'accusant d'"incitation à la violence" et de "déployer tous les efforts possibles" pour entraver la mission des observateurs. "Les déclarations et pressions du ministre des Affaires étrangères du Qatar devant le comité ministériel dépassent le cadre des ingérences dans les affaires internes de la Syrie, et constituent une déclaration de guerre", écrit Techrine sans préciser à quels propos il fait allusion. Cheikh Hamad, a indiqué, avant-hier, que le rapport avait montré "que les meurtres ont diminué", mais "un seul mort est un mort de trop. Nous espérons que le gouvernement syrien prendra des mesures décisives pour arrêter l'effusion de sang". Le comité ministériel a demandé un renfort financier, logistique, matériel et en effectifs de la mission, forte actuellement de 163 personnes, pour en "assurer le succès" ainsi qu'un nouveau "rapport complet" pour le 19 janvier sur les efforts de Damas pour tenir ses engagements. Sur le terrain, la répression a encore coûté la vie à deux civils, tués par les tirs des forces de sécurité à Hama (centre) et près de Damas, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'OSDH a demandé aux observateurs arabes de se rendre dans une région de la province de Hama, où sont déployés 12 chars et transports de troupes blindés "en violation" du protocole arabe. Par ailleurs, la télévision privée Dounia, proche du régime, a affirmé qu'"un groupe terroriste armé a ouvert le feu sur une équipe d'observateurs arabes à Homs, touchant l'une des voitures du convoi et blessant son chauffeur". Mais cette information n'a pu être confirmée de source indépendante. Enfin, le ministre syrien de la Défense Daoud Rajha a salué la "position respectable de la Russie aux côtés de la Syrie", en rendant visite, avant-hier, à un groupe de navires de guerre russes mouillant à la base navale syrienne de Tartous, la seule dont la Russie dispose en mer Méditerranée. Moscou rejette toute ingérence étrangère dans la crise syrienne et bloque toute action à l'ONU contre le régime. Ankara appelle l'opposition syrienne à utiliser des voies pacifiques Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a appelé l'opposition syrienne à continuer sa résistance contre le régime de Damas par des voies pacifiques lors d'une rencontre, avant-hier, avec une délégation du Conseil national syrien (CNS), a indiqué, hier, un porte-parole de son ministère. L'opposition syrienne demande la démocratie et nous leur avons dit durant une rencontre, hier (dimanche) que cela devait être fait par des voies pacifiques, a déclaré cette source, indiquant que le président du CNS, Bourhan Ghalioun, faisait partie de la délégation de 10 personnes. Il s'agissait de la troisième rencontre depuis octobre entre M. Davutoglu et le CNS, qui regroupe la majorité des courants de l'opposition en Syrie, a indiqué le porte-parole, soulignant que le Conseil national dispose d'un bureau à Istanbul. La Turquie, autrefois en bons termes avec le régime du président syrien Bachar al-Assad, s'est jointe à la Ligue arabe pour imposer des sanctions au régime de Damas, accusé de réprimer férocement des manifestations antigouvernementales. Ankara a ainsi gelé les échanges commerciaux avec la Syrie, son ex-allié. La Syrie est en proie depuis la mi-mars à un mouvement de contestation réprimé dans le sang, qui tend à se transformer en conflit armé entre l'armée et des soldats dissidents ayant notamment rejoint l'Armée syrienne libre (ASL). C'est depuis la Turquie, où il s'est réfugié, que le colonel Riad Al-Assaad commande l'ASL. Mais le gouvernement turc a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'autorise pas que des attaques soient lancées en Syrie à partir du territoire turc, réagissant à des accusations de médias syriens, selon lesquels des éléments armés syriens se sont infiltrés dans le pays, venant de Turquie.