Les dirigeants européens ont appelé, avant-hier, à une accélération de la mise en oeuvre des réformes de stabilisation budgétaire et du fonds européen de stabilisation financière au lendemain de l'abaissement de la note de plusieurs pays par l'agence de notation Standard & Poor's. La décision de S&P de dégrader la note souveraine de neuf des 17 pays membres de la zone euro et de priver la France et l'Autriche de leur triple A, a suscité des critiques de la part de certains responsables européens qui ne s'attendaient pas à une action d'une telle ampleur. Merkel veut le pacte budgétaire rapidement pour rassurer les investisseurs La chancelière allemande Angela Merkel a promis, avant-hier, l'adoption rapide d'un pacte pour renforcer la discipline budgétaire de la zone euro afin de rassurer les investisseurs, après la dégradation de neuf des 17 pays de la zone par l'agence de notation Standard & Poor's. Tout en essayant de les relativiser, elle a estimé que les décisions de S&P confirmaient qu'il restait encore un long chemin pour rétablir la confiance dans les finances des pays européens surendettés. Il est cependant aussi visible que nous sommes engagés de façon décidée sur ce chemin d'une monnaie stable, de finances solides et d'une croissance durable, a-t-elle ajouté, lors d'un discours, suivi d'une séance de questions-réponses au congrès de son parti conservateur CDU à Kiel (Nord). La chancelière a promis l'adoption rapide du pacte renforçant la discipline budgétaire de la zone euro. Ces décisions seront prises rapidement, a-t-elle dit. Nous sommes désormais sous pression pour mettre en œuvre rapidement et de façon décidée le pacte budgétaire (...) et il ne s'agit pas d'essayer de l'adoucir partout où l'on peut, mais de donner des garanties de finances solides pour l'avenir, a-t-elle déclaré, promettant des sanctions conséquentes pour les Etats indisciplinés. Evoquant le prochain sommet européen du 30 janvier, elle a déclaré : Je suis tout à fait optimiste que nous résoudrons les problèmes en suspens. Chacun sent que nous ne pouvons pas nous permettre de tricher. Mme Merkel s'est efforcée de minimiser les décisions de Standard & Poor's. Je souligne qu'il ne s'agit que (des décisions) d'une agence parmi trois, a-t-elle dit. Nous avons pris acte de la décision. Elle ne nous a pas totalement surpris après les discussions des dernières semaines, a-t-elle affirmé, regrettant en réponse à une question de journaliste que la décision de l'agence Fitch de maintenir son triple A à la France probablement pour le reste de l'année n'ait pas rencontré autant d'écho. Seule l'Allemagne a été épargnée, vendredi soir, par l'agence de notation Standard and Poor's: la première économie européenne a vu non seulement confirmé son précieux triple A, qui lui permet d'emprunter à bas coût sur les marchés, mais S&P a aussi affirmé qu'elle n'envisageait pas de changer son point de vue dans les mois qui viennent. Evoquant la France, Mme Merkel a estimé qu'un AA+ n'était vraiment pas une mauvaise notation. La chancelière a tenté de rassurer sur l'impact des dégradations sur la contribution financière à supporter par l'Allemagne dans le plan de secours européen. Je ne crois pas que les dégradations (des notations des pays de la zone euro) aient d'une quelconque manière que ce soit pour conséquence que l'Allemagne doive faire plus par rapport aux autres, a-t-elle affirmé. Elle a expliqué n'avoir jamais pensé qu'une notation triple A était indispensable pour le Fonds de secours européen (FESF). Les dégradations ne vont pas torpiller le travail du FESF et je ne vois pas de nécessité de changer quelque chose à ce fonds, a-t-elle assuré. Le FESF a une capacité de prêts totale de 440 milliards d'euros. Il lève de l'argent sur les marchés avec une garantie apportée par les Etats de la zone euro et le reverse ensuite à des pays en difficulté au sein de la zone euro à des taux moindres que ceux qu'ils devraient payer sur les marchés. Cet instrument financier mis en place de façon temporaire doit être définitivement remplacé par le Mécanisme européen de stabilité (MES) à la mi-2012. Il sera doté de son propre capital et donc moins dépendant des notations des Etats européens. Nous devons faire en sorte d'élargir la base de notre plan de sauvetage à un maximum de pays, a-t-elle dit, soulignant l'importance pour l'avenir du Mécanisme européen de stabilité (MES), qu'elle souhaite mettre en œuvre au plus vite. L'ex-vice-ministre allemand des Finances désigné par Berlin pour siéger au directoire de la Banque centrale européenne avait mis en garde jeudi contre un assouplissement de l'accord européen sur le renforcement de la discipline budgétaire. Jörg Asmussen a déclaré que la dernière version du projet représentait une "atténuation substantielle" car elle autorise des dépenses exceptionnelles dans des circonstances extraordinaires, selon des propos que lui a attribués le Financial Times Deutschland. S&P a motivé la dégradation des notes souveraines des pays membres de la zone euro en estimant que les responsables du bloc n'avaient pas agi avec suffisamment de détermination pour surmonter la crise de la dette dont ils sous-estiment, selon elle, un facteur déterminant, à savoir les fortes divergences de compétitivité entre pays partageant la monnaie unique. Les dirigeants de la zone euro, au premier rang desquels Angela Merkel, ont appelé les pays membres à maîtriser leurs finances publiques en augmentant les impôts et en réduisant leurs dépenses. Cette stratégie a nourri l'inquiétude des investisseurs qui redoutent l'enclenchement d'un cercle vicieux dans lequel l'austérité budgétaire alimente les déficits en freinant la croissance, d'où, une forte hausse des coûts de financement des pays les plus endettés. Signal d'alarme L'Autriche, qui à l'instar de la France a vu son triple A dégradé d'un cran avec mise sous surveillance négative, a qualifié la décision de S&P de signal d'alarme adressé au pays pour qu'il réduise sa dette et ses déficits et aux dirigeants européens pour qu'ils accélèrent les réformes. "La dégradation est une mauvaise nouvelle pour l'Autriche mais chacun doit réagir lorsqu'une telle chose arrive", a déclaré la ministre autrichienne des Finances Maria Fekter. "Maintenant, chacun reconnaît que cela (...) est un problème de dette et de déficits, et non principalement d'économie". En France, le Premier ministre Français Fillon a répété que le gouvernement ne dévierait pas de son objectif "intangible" en matière de réduction des déficits, en dépit de l'affaiblissement attendu de la conjoncture cette année et de l'approche de l'élection présidentielle. Il a estimé que les investisseurs pouvaient avoir confiance en la France dont l'économie est "diversifiée" et "résistante". La décision de S&P a affecté les pays concernés de manière différenciée avec une dégradation d'un cran pour la France, l'Autriche, Malte, la Slovaquie et la Slovénie, mais de deux pour l'Italie, l'Espagne, Chypre et le Portugal, la note souveraine de ce dernier se retrouvant désormais en catégorie spéculative. L'Italie, en particulier, va faire face à des difficultés en raison de l'ampleur de ses besoins de refinancement cette année et de la situation de ses banques, a prévenu le gouverneur de la Banque nationale d'Autriche et membre du conseil des gouverneurs de la BCE, Ewald Nowotny. Interrogé par une radio autrichienne sur le point de savoir si l'Italie, désormais notée BBB+ comme le Kazakhstan, constituait "le sujet de préoccupation numéro un", Nowotny a acquiescé. "Dans un certain sens, oui, parce que nous savons que, cette année, l'Italie a un besoin de refinancement très important", a-t-il dit. "En temps normal, cela est tout à fait réalisable, mais dans un environnement difficile et chahuté, cela peut être un problème et, de mon point de vue, cette forte dégradation de l'Italie constitue sans doute l'un des aspects les plus difficiles et les plus problématiques de ce considérable coup dur porté par l'agence de notation", a-t-il poursuivi. La décision de S&P a ravivé les critiques à l'encontre des agences de notation en Europe. Et si la France comme l'Allemagne ont cherché à en limiter la portée, estimant qu'elle était attendue, le ministre espagnol des Finances s'est voulu plus alarmiste. "La dégradation est beaucoup trop large, elle concerne un trop grand nombre de pays, elle atteint la crédibilité même de l'euro", a déclaré Cristobal Montoro à une radio. "Il est important que les institutions européennes comprennent qu'il est temps de faire tout ce qui est possible pour construite et renforcer l'euro", a-t-il poursuivi alors que l'Espagne lourdement endettée affiche le taux de chômage le plus élevé de la zone euro. Le FESF affaibli ? Un sommet de l'UE doit se tenir d'ici la fin du mois avec comme ordre du jour le renforcement de la croissance et de la compétitivité, mais les déclarations de la chancelière allemande laissent penser que le nouveau pacte budgétaire de la zone sera aussi à l'ordre du jour.Les dirigeants de la zone euro risquent toutefois d'être confrontés très rapidement à un autre sujet d'importance. En effet la perte de leur triple A par deux des contributeurs, la France et l'Autriche, au Fonds européen de stabilité financière risque d'en fragiliser la signature et d'augmenter ses coûts de financement, limitant donc sa capacité d'intervention pour renflouer des pays membres en difficulté. Le fonds de sauvetage de la zone euro, pourrait conserver sa note AAA si l'Allemagne et les trois autres pays notés triple A de la zone euro augmentent leur soutien financier après le déclassement de la France et de l'Autriche, a prévenu le président du comité des notations souveraines de S&P. "Si on a un engagement plus important des autres pays, le FESF pourrait conserver son AAA", a déclaré John Chambers, dans un entretien accordé à Reuters Insider. Le jugement de SP renforce la détermination de Rome dans les réformes La décision de Standard and Poor's d'abaisser de deux crans la note de la dette souveraine de l'Italie à BBB+ renforce la détermination du gouvernement de Mario Monti à poursuivre sur la route entreprise, ont indiqué des sources de la présidence du Conseil. Le communiqué de SP reconnaît la capacité du gouvernement à formuler et mettre en œuvre une politique pour affronter la crise, en assainissant les comptes et en adoptant des mesures pour la croissance, a-t-on tenu à souligner de même source. L'évaluation effectuée par l'agence de notation américaine renforce la détermination du gouvernement à poursuivre la route entreprise d'assainissement du budget, de réformes structurelles et de mesures pour la croissance, a indiqué M. Monti à ses collaborateurs, selon les sources gouvernementales. Dans son communiqué, SP indique qu'elle pourrait abaisser encore la note italienne si l'administration de technocrates devait échouer dans la mise en œuvre des réformes structurelles pour augmenter le potentiel de croissance aussi bien à cause de l'opposition de groupes porteurs d'intérêts spéciaux (lobbies) qu'au cas où le mandat du gouvernement devrait s'interrompre avant son terme du printemps 2013. Pour les sources gouvernementales, cette évaluation de SP ne fait que renforcer la détermination du gouvernement à poursuivre dans la direction déjà entreprise. L'évaluation de SP encourage aussi l'Italie à, au niveau européen, promouvoir des solutions qui permettent d'avoir une gouvernance de la zone euro plus efficace et qui soutiennent les efforts nationaux en faveur de la croissance et l'emploi, selon les sources gouvernementales.