Les ministres des Finances de la zone euro ont rejeté, avant-hier, la dernière offre de participation des créanciers privés de la Grèce à un second plan d'aide à Athènes et ont appelé à la conclusion rapide d'un accord. Les représentants des banques et assureurs qui négocient avec les autorités grecques avaient pourtant qualifié dimanche leur dernière offre comme le maximum de ce qui leur était possible de concéder dans le cadre d'un échange de dette "volontaire". "Nous accueillons positivement la convergence croissante et avons demandé au gouvernement grec de parvenir dans les prochains jours à un accord sur les termes et les conditions d'une offre de participation du secteur privé", a déclaré Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, lors d'une conférence de presse. Mais il a ensuite précisé que l'accord devait prévoir un taux d'intérêt inférieur à 4% sur l'ensemble de la période de 30 ans sur laquelle porte l'échange d'obligations, donc inférieur à 3,5% d'ici 2020. Des sources proches des pourparlers avaient rapporté ce week-end qu'Athènes et ses créanciers obligataires se rapprochaient d'un accord mais que de nombreux détails devaient encore être réglés. Selon elles, les discussions s'orientaient vers une perte de 65 à 70% pour les investisseurs privés, qui échangeraient leurs obligations actuelles contre des titres assortis d'une maturité de 30 ans et d'un taux d'intérêt progressif atteignant 4% en moyenne sur la période. Athènes négocie depuis des mois avec ses créanciers les modalités de l'effacement d'une partie de sa dette, condition essentielle à la mise en place d'un deuxième plan d'aide de 130 milliards de la part de ses partenaires de la zone euro. Accord d'ici au 30 janvier Les négociations devraient désormais reprendre au cours des prochaines heures avec pour but de parvenir à un accord d'ici au sommet européen qui se tient, lundi prochain à Bruxelles. Du fait de longues formalités d'application, le pays a désormais besoin d'un accord sur ce plan de participation du secteur privé (PSI) dans les tout prochains jours, sous peine de faire défaut dès la fin du mois de mars. Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, s'est déclaré confiant dans la capacité des ministres des Finances de la zone euro à conclure prochainement un accord avec les créanciers privés de la Grèce sur un échange de dette. La France et l'Allemagne se sont également montrées optimistes au sujet des négociations entre la Grèce et ses créanciers pour lesquelles un accord semble "prendre forme" mais ont pressé Athènes de respecter l'intégralité de ses engagements. L'échange d'obligations vise à réduire de 100 milliards d'euros le montant de la dette publique grecque, qui dépasse pour l'instant 350 milliards, soit environ 160% du produit intérieur brut. Au total, le second plan d'aide doit permettre à Athènes de ramener son ratio d'endettement à 120% du PIB en 2020. Mais il implique aussi des mesures d'austérité supplémentaires dans un pays frappé par sa pire crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale et qui devrait connaître en 2012 sa cinquième année consécutive de récession. Le taux de chômage dans le pays dépasse 18%, un niveau sans précédent, et il approche 50% chez les jeunes, ce qui entretient les tensions sociales. Manifestations et grèves ont lieu presque quotidiennement contre la hausse des impôts et des taxes et le gel des salaires. Encore de l'espoir Pourtant trouver un accord reste urgent pour éviter à Athènes une faillite aux conséquences imprévisibles. De lui dépend le déblocage des aides promises par les Européens fin octobre d'un montant de 130 milliards d'euros. Or, la Grèce doit rembourser en mars plus de 14 milliards d'euros. "Il y a toujours l'espoir de trouver un accord mais il ne faut pas non plus se fixer une date limite qui mène ensuite à des déceptions", a mis en garde, avant-hier, le ministre belge des Finances, Steven Vanackere, en marge de la réunion avec ses homologues de l'Union monétaire. Principale pierre d'achoppement des négociations: le taux d'intérêt qui sera accordé aux banques pour leurs nouveaux titres de dette. Les banques veulent qu'il soit le plus élevé possible, les créanciers publics - en particulier le FMI et l'Allemagne - plaident pour un niveau aussi bas que possible pour garantir la survie des finances de l'Etat grec. Le négociateur du secteur privé, Charles Dallara, a prévenu dimanche que les banques et fonds d'investissement détenteurs de dette grecque avaient atteint la limite des pertes qu'ils peuvent supporter, renvoyant la balle aux créanciers institutionnels (BCE, UE et FMI). Peaufiner l'arsenal anti-crise Mais, la zone euro n'envisage guère d'augmenter ses prêts à la Grèce par rapport à ce qui est prévu. La somme" de 130 milliards d'euros "est déjà suffisamment élevée pour ne pas sans arrêt remettre de l'argent au pot, les autres Etats membres arrivent aussi aux limites de leurs capacités", a prévenu le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden. En attendant une éclaircie en Grèce, les ministres des Finances européens se sont attelés, avant-hier, à une autre tâche: peaufiner leur arsenal anti-crise. Ils ont ainsi adopté dans la soirée un traité établissant le futur Fonds de secours permanent de la zone euro, le MES, qui ne bénéficiera toutefois qu'aux pays ayant ratifié le pacte budgétaire en discussion, censé renforcer la discipline commune en Europe. S'ils ont défini certaines modalités de ce fonds, ils n'ont en revanche pas tranché sur son enveloppe, renvoyant cette question à plus tard. Augmenter la taille du futur Fonds de secours permanent de la zone euro, le MES, "serait d'un grand secours", a pourtant plaidé, avant-hier, la directrice du Fonds monétaire international, Christine Lagarde. Ce mécanisme, appelé à prendre la place du dispositif de soutien temporaire (FESF), verra le jour en juillet et disposera d'une capacité de prêts de 500 milliards d'euros. Un montant jugé insuffisant par la directrice du FMI pour empêcher une "crise de solvabilité" en Espagne et en Italie, deux pays touchés de plein fouet par la crise de la dette et qui vont entrer en récession cette année. Des questions restent ouvertes En attendant, les Européens se sont mis d'accord sur le système de prise de décision de ce mécanisme, qui se fera à la majorité qualifiée dans les cas d'urgence (à 85%) et non à l'unanimité comme le voulait jusqu'ici la Finlande. Le pacte budgétaire, voulu à tout prix par Berlin, est lui aussi en cours de finalisation. Il prévoit notamment l'inscription d'une règle d'or sur le retour à l'équilibre des comptes publics. Une réunion spéciale se poursuivait dans la soirée à ce sujet, avec pour objectif de trancher plusieurs points litigieux. Plusieurs questions restent ouvertes. Les sommets de la zone euro pourront-ils être ouverts à tous les pays ayant signé ce traité ? Le pacte budgétaire sanctionnera-t-il les dérapages d'un Etat concernant les seuls déficits ou également la dette ? Quel sera le rôle exact de la Cour européenne de justice ?