La croissance de l'économie américaine a atteint fin 2011 son plus haut niveau depuis un an et demi mais le mouvement de restockage des entreprises et le net ralentissement de l'investissement augurent d'un ralentissement début 2012. Le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis a progressé de 2,8% en rythme annualisé au quatrième trimestre selon la première estimation du département du Commerce publiée, avant-hier, après +1,8% sur la période juillet-septembre. Ce chiffre est le plus élevé enregistré depuis le deuxième trimestre 2010 même s'il est légèrement inférieur aux attentes: les économistes et analystes interrogés par Reuters prévoyaient en moyenne une croissance de 3,0%. Le dollar a cédé du terrain face à l'euro juste après la publication des statistiques et Wall Street a ouvert dans le rouge tandis que les marchés boursiers européens creusaient leurs pertes. Sur l'ensemble de 2011, la croissance américaine est revenue à 1,7% après 3% en 2010. Les chiffres des trois derniers mois de l'année ont été dopés par la reconstitution des stocks des entreprises: ceux-ci ont enregistré leur plus forte hausse depuis le troisième trimestre 2010, alors qu'ils avaient subi sur juillet-septembre leur premier recul depuis fin 2009. En valeur, les stocks ont augmenté de 56,0 milliards de dollars, ce qui équivaut à une contribution de 1,94 point à la croissance du PIB. Hors stocks, la croissance se voit ramenée à 0,8% seulement, un chiffre quatre fois inférieur à celui du troisième trimestre. La Fed confortée Ce phénomène d'accumulation des stocks pourrait se traduire par un net ralentissement de la reprise sur les premiers mois de cette année. Tout comme l'évolution de l'investissement des entreprises en biens d'équipement, lui, n'a progressé que de 1,7% (le chiffre le plus bas depuis 2009) après +15,7% au troisième trimestre. Ces chiffres sont de nature à conforter la politique monétaire ultra-accommodante menée par la Réserve fédérale. "Cela semble cohérent avec la position de la Fed selon laquelle l'économie américaine aura besoin de toute l'aide possible au cours des années à venir pour atteindre sa vitesse de mise en orbite", estime David Watt, stratège devises de RBC Capital. Prévoyant un ralentissement de la croissance, la banque centrale a annoncé mercredi son intention de maintenir des taux d'intérêt proches de zéro jusqu'à la fin 2014. Et son président, Ben Bernanke, disant prévoir une croissance de 2,2 à 2,7% cette année, a dit envisager d'autres mesures de soutien à la reprise. "La Fed tente de protéger l'économie contre la possibilité d'une récession plus grave encore en Europe", explique Ryan Sweet, économiste de Moody's Analytics. La consommation des ménages, qui représente environ 70% de l'activité globale dans la première économie du monde, a augmenté de 2% en rythme annualisé sur octobre-décembre après +1,7% au trimestre précédent. L'inflation ralentit Les dépenses des ménages montrent un effet de rattrapage des achats automobiles après les perturbations provoquées par le séisme et le tsunami au Japon en mars, ainsi que l'effet de la modération de l'inflation. L'indice des prix à la consommation (PCE) affiche en effet une hausse de 0,7% seulement au quatrième trimestre, la plus faible en un an et demi, après 2,3% sur juillet-septembre. L'inflation de base, qui exclut l'énergie et l'alimentation, ressort à 1,1%, son plus bas niveau depuis un an. Mais la consommation pourrait souffrir de la faiblesse des revenus alors que le taux de chômage reste à 8,5%. "Même si le taux de chômage s'est amélioré, le marché du travail reste un défi majeur", rappelle Adolfo Laurenti, chef économiste adjoint de Mesirow Financial. "Le nombre élevé de personnes sorties de la population active ou sous-employées montre qu'il n'y a pas beaucoup de génération de revenus susceptible de contribuer à l'amélioration de la consommation." Environ 23,7 millions d'Américains sont au chômage ou travaillent en temps partiel subi. Si les exportations américaines ont plutôt bien résisté au ralentissement de la demande mondiale fin 2011, le commerce extérieur représente une contribution négative de 0,11 point à la croissance globale. S'ils anticipent un ralentissement du PIB en ce début d'année, les observateurs ne croient pas à une rechute en récession. "Les Etats-Unis ont suffisamment d'élan pour compenser les pertes venues d'Europe", estime Adolfo Laurenti.