Le président Ali Abdallah Saleh, aux Etats-Unis depuis fin janvier, est sur le point de retourner au Yémen pour assister à la cérémonie d'investiture de son successeur et continuera de jouer un rôle politique en tant que chef de son parti, a annoncé, hier, un de ses proches. "Le président Saleh est sur le retour, mais je ne peux pas donner la date exacte de son arrivée à Sanaa", a déclaré lors d'une conférence de presse le vice-ministre de l'Information et porte-parole du Congrès populaire général (CPG, parti présidentiel) Abdo Janadi. Il a indiqué qu'une "importante cérémonie sera organisée pour l'investiture de Abd Rabbo Mansour Hadi qui s'installera alors au palais présidentiel". Le vice-président, M. Hadi, était le seul candidat à la présidentielle tenue mardi en vertu d'un accord basé sur une initiative des monarchies du Golfe qui a permis le départ du président contesté. Son élection pour une période transitoire de deux ans fait du Yémen le premier pays arabe où un soulèvement aboutit à une solution négociée. Le taux de participation à l'élection présidentielle au Yémen a atteint plus de 60% malgré les appels au boycott, selon des chiffres partiels obtenus, hier, auprès des commissions électorales. Dans le Sud, ce taux s'est élevé à 50% à Aden et a atteint entre 30 et 40% pour le reste de la région en raison de l'appel du Mouvement sudiste au boycott de l'élection. Dix personnes ont été tuées la veille, notamment à Aden, la grande ville du Sud, lors d'attaques qui ont provoqué la fermeture de nombreux bureaux de vote. M. Saleh se trouvait depuis le 29 janvier aux Etats-Unis pour des soins médicaux. Il séjournait mardi en Californie et jouit d'une immunité diplomatique jusqu'à l'investiture du vice-président, selon la porte-parole du département d'Etat américain Victoria Nuland. Selon des sources politiques à Sanaa, la cérémonie d'investiture aurait lieu le 27 ou le 28 février. La démocratie en question Au Yémen, après dix mois de manifestations contre le régime d'Ali Abdallah Saleh, plus de 12 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour élire leur nouveau président. Une seule particularité, le nom du vainqueur est déjà connu. Il s'agit de l'actuel vice-président, Abd-Rabbo Mansour Hadi, qui est le seul candidat en lice. Selon le président de la Commission électorale, plus de 100 000 militaires ont été mobilisés pour assurer la sécurité du scrutin. Dans le sud et l'est du pays, au moins deux personnes ont été tuées dans les affrontements qui ont éclaté entre l'armée et les manifestants. À Aden, la principale ville du Sud, la moitié des bureaux de vote ont été fermés à la suite d'attaques des séparatistes. Dans la capitale, Sanaa, l'appel au boycott de l'élection s'est largement répandu parmi la population, particulièrement chez les jeunes. Depuis plusieurs jours ils sont des dizaines à avoir installé leur campement sur la place du Changement. Persuadés de " s'être fait voler leur révolution ", ils ne cachent plus leur colère envers le parti islamiste al-Islah, qui avait pris la tête du mouvement de contestation durant l'été. Représentant l'opposition, ce dernier avait fini par négocier, au nom des révolutionnaires, l'accord de transition proposé par les monarchies du Golfe. Le scrutin perturbé par les violences au Sud La moitié des bureaux de vote pour l'élection présidentielle à Aden, principale ville du sud du Yémen, ont été fermés hier à la suite d'attaques de séparatistes sudistes, selon un responsable gouvernemental. "La moitié des bureaux de vote à Aden ont été fermés après avoir été envahis par des hommes armés du Mouvement sudiste" qui a appelé au boycott du scrutin désobéissance civile", a déclaré le responsable. Dix des 20 bureaux de vote d'Aden ont été fermés, selon lui. Ce retrait fait suite à la prise de contrôle de ces bureaux par des hommes armés qui ont réquisitionné les urnes qui s'y trouvaient, a-t-on ajouté. Des tirs résonnaient par intermittence dans différents quartiers d'Aden. "Il y a eu une complicité de la part de l'armée et des forces de sécurité dans la prise des bureaux de vote par des éléments du Mouvement sudiste", a déclaré Khaled Haydan. Processus "difficile" selon l'émissaire de l'ONU Le Mouvement sudiste, un groupe autonomiste, a appelé au boycott du scrutin. Mais l'aile radicale de ce mouvement, souhaitant que le Yémen du Sud redevienne le pays indépendant qu'il était avant sa fusion avec le Nord, en 1990, a proclamé hier (mardi) journée de "désobéissance civile". Pour l'émissaire de l'ONU au Yémen, Jamal Benomar, cette élection n'est que le début d'un processus "difficile" qui doit aboutir à l'application d'un accord ayant permis d'éviter au pays la guerre civile. Il a observé que "les Yéménites ont réalisé qu'il ne pouvait y avoir ni vainqueur ni vaincu" et que "la communauté internationale et le Conseil de sécurité de l'ONU les ont aidés à parvenir à cet accord" de transition politique signé en novembre à Riyadh. Il a relevé que le Yémen fait face à "beaucoup de dangers, dont le manque de confiance entre les partis sur le plan politique, la dégradation de la sécurité, l'absence de l'Etat dans plusieurs régions et la situation humanitaire" catastrophique. L'émissaire de l'ONU a fait remarquer que ce scrutin est "unique dans le Monde arabe, car il est le fruit d'un compromis politique qui devrait éviter au Yémen la guerre civile".