Plus de cinq millions de Sénégalais étaient appelés aux urnes, hier, pour le second tour de l'élection présidentielle qui s'annonce serré entre le chef de l'Etat sortant, Abdoulaye Wade, et son ancien Premier ministre, Macky Sall. Agé de 85 ans, M. Wade avait obtenu 34,8% des suffrages lors du premier tour fin février contre 26,5% à M. Sall, 50 ans. Mais ce dernier bénéficie désormais du soutien de tous les autres candidats de l'opposition qui étaient en lice lors du premier tour. Les bureaux de vote, qui ont ouvert à 8h GMT, doivent fermer à 18h GMT. Les premiers résultats sont attendus dans les jours qui viennent. Un incident a été signalé à Dakar: la police a tiré des gaz lacrymogènes sur une foule qui s'était rassemblée devant le bureau de vote où Abdoulaye Wade doit voter. L'opposition réclame le départ du président sortant, au pouvoir depuis 2000, qui brigue un troisième mandat grâce à une interprétation contestée de la Constitution limitant le nombre de mandats à deux depuis 2001. Le chantre du "sopi" (changement, en wolof) a également attiré de vives critiques en laissant entrevoir une succession dynastique au profit de son fils Karim, ironiquement surnommé "ministre du Ciel et de la Terre". Au moins six personnes ont trouvé la mort lors de manifestations contre M. Wade, après la décision de la Cour suprême de l'autoriser à briguer sa propre succession. Des émeutes avaient aussi éclaté devant son projet d'abaisser le seuil de victoire au premier tour de 50 à 25%. Aussi, les observateurs redoutent de nouveaux incidents si M. Wade venait à remporter le scrutin d'hier. Dans le pays, ce scrutin est largement vu comme un choix de génération, entre un homme d'Etat âgé et un ex-chef de gouvernement, géologue de formation, qui est né après l'indépendance en 1960. "Au nom du père ou du 'fils'", résumait, hier, la presse "Nous ne voulons pas des gens qui improvisent, qui sont sans personnalité", a attaqué Wade lors d'un récent meeting de campagne à Thiès, multipliant par ailleurs les promesses aux électeurs. Accusé d'être un "apprenti sorcier qui veut prendre la place du maître", Macky Sall feint l'indifférence, espérant par ailleurs que son adversaire respectera le verdict des urnes en cas de défaite. "Avec lui, on ne sait jamais", a-t-il confié lors d'une conférence de presse donnée samedi à son domicile. "Wade a passé 25 ans dans l'opposition et il est finalement devenu président. S'il est battu, il doit l'accepter". Des élections dans le calme Le second tour de l'élection présidentielle se déroulait dans le calme, a noté le chef des observateurs de l'Union européenne, Thijs Berman, en espérant que ce pays montrera un exemple fort de démocratie dans la région après le coup d'Etat survenu au Mali voisin. Pour l'instant, ça se déroule très bien. En tant qu'observateur, je n'ai pas d'attente. Mais en tant que démocrate, j'espère que ça se déroulera dans le calme a déclaré M. Berman, député européen, lors d'une visite dans un centre de vote installé dans l'école Unité 25 des Parcelles Assainies, quartier populaire dans le nord-est de Dakar. J'espère aussi en tant que démocrate que le Sénégal montrera un exemple fort dans cette région d'Afrique qui est tellement tourmentée. Quand on voit que le Mali a eu un coup d'Etat inadmissible, inacceptable et qui ne sera pas accepté, il y a sur les épaules du Sénégal une responsabilité de montrer ce qu'est la démocratie, a-t-il ajouté. Ce putsch, condamné par la communauté internationale et une large majorité de la classe politique malienne, survient à cinq semaines d'une présidentielle à laquelle ne se présentait pas M. Touré, après deux mandats consécutifs, conformément à la Constitution de son pays.