Le procès d'Anders Behring Breivik, jugé pour le meurtre de 77 personnes dans deux attaques l'été dernier en Norvège, a débuté, hier, à Oslo. Le prévenu a plaidé non coupable: "Je reconnais les faits mais je ne reconnais pas ma culpabilité" au sens pénal, a-t-il dit. Breivik a décliné son identité, sa date de naissance et a corrigé la juge lorsque celle-ci l'a présenté comme sans emploi: "ce n'est pas exact", a-t-il dit. "Je suis écrivain", a-t-il précisé, disant qu'il écrivait un ouvrage en prison. Peu avant, en entrant dans la salle du tribunal, il a adressé un salut d'extrême droite au public composé de familles de victimes, de survivants et de journalistes. Une fois débarrassé de ses menottes, il a tendu le bras droit, poing serré, un salut qui, explique-t-il dans son manifeste, représente "la force, l'honneur et le défi aux tyrans marxistes en Europe". Acte d'accusation Cette première journée sera consacrée à la lecture de l'acte d'accusation et aux remarques préliminaires du ministère public, qui poursuit Breivik pour "actes de terrorisme". Le 22 juillet 2011, Breivik avait d'abord tué huit personnes en faisant exploser une bombe au pied de la tour qui abrite le siège du Premier ministre travailliste, absent à ce moment-là. Puis, déguisé en policier, il avait froidement tiré pendant plus d'une heure sur des membres de la Jeunesse travailliste réunis en camp d'été sur l'île d'Utoeya, près d'Oslo, faisant 69 autres victimes, essentiellement des adolescents. Le principal point d'interrogation du procès qui devrait durer 10 semaines porte sur la santé mentale de l'accusé. Jugé psychotique et donc pénalement irresponsable par un premier rapport psychiatrique l'an dernier, l'accusé a ensuite été déclaré sain d'esprit par une contre-expertise dont les résultats ont été publiés le 10 avril. Breivik refuse de reconnaître la justice norvégienne Anders Behring Breivik a refusé de reconnaître l'autorité de la justice norvégienne, hier, à l'ouverture de son procès. L'extrémiste de droite, militant islamophobe, qui se définit comme un "templier" au service de la Norvège en lutte contre les périls du "multiculturalisme", entend rejeter sa culpabilité au cours des audiences qu'il espère utiliser comme tribune pour la défense de ses idées. Il est arrivé sous bonne escorte dans la salle d'audience, affichant à plusieurs reprises un sourire suffisant lorsque les gardes lui ont retiré ses menottes, puis serrant le poing droit sur son coeur avant de tendre son bras en guise de salut. "Je ne reconnais pas les tribunaux norvégiens. Vous avez reçu votre mandat de partis politiques qui soutiennent le multiculturalisme", a-t-il déclaré. "Je ne reconnais pas l'autorité de cette cour." Plus de 200 personnes ont pris place dans la salle d'audience spécialement construite pour l'occasion. Sept cents rescapés et proches des victimes se sont réunis dans des salles attenantes ou d'autres tribunaux du pays pour suivre les débats retransmis en circuit fermé. "Aujourd'hui, le procès commence. Ce sera une période difficile pour beaucoup", a déclaré Vegard Groeslie Wennesland, 28 ans, interrogé à l'extérieur de la salle d'audience. "La dernière fois que je l'ai vu en vrai, il tirait sur mes amis." La santé mentale en question Les faits seront moins au coeur des débats - Breivik a fièrement admis avoir fait exploser une voiture piégée à Oslo, faisant huit morts, puis abattu méthodiquement 69 jeunes gens réunis pour un camp d'été des jeunes travaillistes sur l'île d'Utoya, au nord de la capitale - que la personnalité et la santé mentale du tueur âgé de 33 ans. Geir Lippestad, son avocat, a conseillé à ses compatriotes de se préparer au témoignage cru de son client devant la cour. "Non seulement il s'expliquera, mais il dira aussi qu'il regrette de ne pas être allé plus loin", a-t-il dit la semaine passée, alors qu'une contre-expertise psychiatrique a conclu à la responsabilité pénale de l'auteur du carnage.Une précédente expertise avait abouti à des conclusions diamétralement opposées. Il appartiendra à un panel de cinq juges de trancher cette question au cours du procès prévu pour durer dix semaines environ. S'il est jugé coupable, Anders Behring Breivik encourra une peine maximale de 21 ans. Le droit norvégien permet en outre de prolonger sans limitations une peine si un risque de récidive est avéré. Si les juges estiment à l'inverse qu'il est pénalement irresponsable, il sera probablement interné dans un asile psychiatrique fermé pour une période indéterminée. Un "cirque"? Certains Norvégiens redoutent que le tueur transforme la salle d'audience en "cirque, une occasion absolument unique pour expliquer mes idées au monde", comme il l'écrivait dans une lettre récente que s'est procurée le quotidien VG. La défense a convoqué 29 témoins, d'un prêcheur islamiste à des blogueurs d'extrême droite, pour éclairer sa vision du monde. Breivik lui-même devrait témoigner pendant une semaine environ, à partir de mardi. Huit cents journalistes ont demandé à être accrédités et le tribunal est déjà assailli par les camions des télévisions. Mais la stratégie de Breivik pourrait se retourner contre lui, estime un rescapé d'Utoya, Björn Ihler, 20 ans. "Plus il parlera, moins il paraîtra dangereux. Les gens se rendront compte que ses idées n'ont pas de place dans ce monde", dit-il, alors que le drame a conduit à une réaffirmation des valeurs de la société scandinave, libérale, tolérante et égalitaire. Parmi les témoins convoqués par la défense figurent le mollah Krekar, fondateur kurde du groupe islamiste Ansar al Islam, récemment emprisonné en Norvège pour avoir proféré des menaces de mort, et "Fjordman", un blogueur d'extrême droite admiré par Breivik.