L'Espagne a levé, hier, 1,933 milliard d'euros en bons à 3 et 6 mois, dans le haut de la fourchette visée, mais a dû concéder des taux d'intérêt en forte hausse dans un climat de tension sur les marchés, avec une Bourse madrilène à ses plus bas niveaux en trois ans. La demande des investisseurs est restée forte, dépassant les 9,4 milliards, ce qui a permis au Trésor d'atteindre son objectif d'emprunter 1 milliard à 2 milliards. Mais le coût a presque doublé par rapport à la dernière émission similaire, le 27 mars: 0,634% sur trois mois (contre 0,381%) et 1,580% sur six mois (contre 0,836%), selon la Banque d'Espagne. Le pays, qui avait vécu une fin 2011 très tendue sur les marchés, avant que ceux-ci ne s'apaisent au premier trimestre 2012, est de nouveau en crise, les marchés doutant de ses capacités à suivre son strict programme budgétaire. L'Espagne a promis de ramener son déficit public de 8,51% du PIB fin 2011 à 5,3% en 2012 puis 3% en 2013, mais la situation se complique car elle a renoué dès ce trimestre avec la récession. La Banque d'Espagne a estimé, avant-hier, que le PIB du pays avait accentué son recul au premier trimestre, avec une baisse de 0,4% par rapport au dernier trimestre 2011, où il avait déjà diminué de 0,3%. Ses prévisions sont généralement confirmées par les chiffres officiels, qui seront connus, dans leur version provisoire, lundi prochain. Deux trimestres de recul du PIB signifient l'entrée d'un pays en récession, dont l'Espagne n'était pourtant sortie que début 2010. La difficulté de réduire le déficit public dans ce contexte, à laquelle s'ajoute un chômage record (22,85% fin 2011), met le pays sur la sellette, et ces tensions se sont ressenties ces derniers jours dans la Bourse madrilène. Celle-ci a ainsi glissé sous la barre symbolique des 7.000 points et renoué avec ses plus bas niveaux de mars 2009. Depuis le début de l'année, elle est celle qui a le plus baissé en Europe, perdant près de 19% de sa valeur contre seulement 6% pour son homologue italienne. L'Espagne est dans un moment d'extrême fragilité Le ministre espagnol du Budget, Cristobal Montoro, a reconnu, hier, que son pays était dans un moment extrêmement délicat, un moment d'extrême fragilité, alors que les marchés doutent de sa capacité à suivre son strict programme budgétaire, dans un contexte de récession. Il s'agit d'un moment extraordinairement délicat pour le pays, a-t-il déclaré devant les députés, réunis pour l'examen du budget 2012, d'une rigueur historique, mais ce budget vise à faire revenir la confiance envers la société espagnole, la confiance de nos partenaires européens envers l'Espagne, la confiance des marchés. C'est le budget le plus austère de la démocratie, qui en outre veut être le plus réaliste, ce dont a besoin d'Espagne pour surmonter cette situation de crise, a-t-il indiqué. C'est un budget adapté à la récession économique, qui a commencé fin 2011. Le déficit public à 8,5% du PIB en 2011, confirme Eurostat Le déficit public espagnol s'est établi à 8,5% du PIB en 2011, a confirmé, avant-hier, l'office européen de statistiques Eurostat, alors que de nombreuses voix en Europe mettaient en doute le chiffre avancé jusqu'ici par les autorités espagnoles. Madrid a annoncé en début d'année que son déficit public était beaucoup plus important que prévu en 2011, à 8,51% du Produit intérieur brut contre 6% annoncé dans un premier temps. Compte tenu de l'ampleur de ce dérapage, le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy a pris ses partenaires européens de court en avertissant début mars qu'il ne pourrait réduire le déficit public à 4,4% en 2012, mais à 5,8%. Un objectif retoqué par les partenaires de l'Espagne au sein de la zone euro, qui ont toutefois accepté d'assouplir le déficit public espagnol à 5,3% du PIB. Cette marque d'indulgence a suscité des grincements de dents en Europe, étant donné que des Etats comme les Pays-Bas ou la Belgique ont été contraints de faire des efforts budgétaires considérables pour rentrer dans les clous européens du Pacte de stabilité. En conséquence, certaines voix n'ont pas hésité à mettre en doute le chiffre avancé par Madrid, se demandant si le gouvernement espagnol n'avait pas exagéré l'ampleur de son déficit de façon à obtenir un assouplissement. "L'Espagne n'a pas assez expliqué pourquoi elle a dépassé son objectif de déficit en 2011", avec 8,51% du PIB au lieu des 6% promis, avait déclaré le commissaire européen à la Concurrence, l'espagnol Joaquin Almunia, dans un entretien au journal El Pais. "Quand on admet un dépassement d'une telle ampleur dans un moment compliqué, pour être crédible il faut des explications claires", avait-il ajouté. Le gouvernement espagnol a présenté fin mars un budget 2012 d'une austérité sans précédent, prévoyant 27,3 milliards d'euros d'économies, afin de ramener le déficit public du pays à 5,3% cette année. Mais la situation du pays inquiète les marchés, alors que les taux auxquels il se finance sont tout près de 6%, un niveau jugé insoutenable dans la durée.