D'intenses tractations se poursuivaient, hier, à deux jours d'un sommet européen, à nouveau jugé crucial pour l'avenir de la zone euro, sous le regard inquiet des marchés. Les ministres des Finances des quatre principales économies européennes (Allemagne, France, Italie et Espagne) se retrouvaient, hier soir, à Paris pour une rencontre destinée à préparer ce sommet, énième rendez-vous de la zone euro avec son avenir depuis le début de la crise de la dette en Europe en décembre 2009. "C'est un sommet qui n'est pas un sommet banal", a ainsi indiqué le ministre français de l'Economie Pierre Moscovici. "On attend des Européens qu'ils donnent enfin des solutions structurelles, et c'est ce qu'ils sont en train de chercher", a-t-il ajouté. Mais les marchés restent sceptiques. Les bourses européens ont certes ouvert timidement en hausse hier, mais pour mieux replonger dans le rouge en milieu de matinée, au lendemain d'une chute sévère, qui a atteint plus de 3% à Madrid. La bourse espagnole a fortement reculé, anticipant tout au long de la journée l'abaissement de la note de 28 banques du pays par l'agence de notations Moody's, le jour même où l'Espagne demandait officiellement l'aide de ses partenaires pour recapitaliser ses banques. Dans ce contexte toujours très tendu, l'Etat espagnol a emprunté hier 3,077 milliards d'euros à trois et six mois, légèrement au-dessus de la fourchette visée, mais à des taux d'intérêt doublés, voire triplés. Idem en Italie où l'Etat a emprunté 3,9 milliards d'euros à des taux également en forte hausse. Pas de message rassurant Outre la demande d'aide de la part de l'Etat espagnol, les Européens ont reçu la veille celle émanant de l'Etat chypriote, aux prises également avec un secteur bancaire en grandes difficultés. Chypre est le 5e pays de l'UE à effectuer cette démarche auprès des autorités européennes. "Il n'y a pas de message rassurant en provenance de l'Europe. A quelques jours du Sommet européen, les différends entre dirigeants européens font craindre un dangereux immobilisme", jugent ainsi les analystes du Crédit Mutuel-CIC. Pour éviter cette situation, les capitales européennes redoublent d'initiatives. Pierre Moscovici a reçu vers 19H00 à Paris ses homologues, allemand Wolfgang Schäuble, italien Mario Monti, ou son adjoint Vittorio Grilli, et espagnol Luis de Guindos pour des entretiens à l'abri des regards, quatre jours après un sommet des dirigeants de ces mêmes pays à Rome. Trop d'idées de mutualisation, pas assez de contrôle Car l'Allemagne, objet de toutes les sollicitations, continue de croire aux vertus de la rigueur et se montre peu disposée à céder aux demandes de solidarité de ses partenaires. "Quand je pense au sommet, ce qui m'inquiète est qu'il y aura toutes sortes d'idées de mutualisation de la garantie des dettes souveraines et trop peu d'idées pour plus de contrôle" des finances des Etats de la zone, a déclaré à Berlin la chancelière allemande Angela Merkel. "Il doit y avoir un équilibre entre garantie mutuelle et contrôle", quitte à transférer pour cela davantage de prérogatives à l'échelon européen, a plaidé la chancelière. La France, longtemps réticente devant une telle perspective, a tenté, hier, d'amadouer Berlin en plaidant la cause d'un "partage de souveraineté". Interrogé sur la possibilité pour Bruxelles de contrôler davantage les budgets nationaux, le ministre français du Budget, Jérôme Cahuzac, a indiqué que "c'est bien de cela dont on parle, c'est une solidarité budgétaire en Europe qui suppose que non seulement le budget de la France, mais également de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne soient soumis pour une appréciation à l'ensemble de nos partenaires". "Ce n'est pas un abandon de souveraineté, c'est un partage", a-t-il précisé. "Il faut que la France et l'Allemagne s'entendent. Il faut que l'Allemagne cesse de fantasmer l'inflation et puis il faut que la France comprenne que c'est aussi peut-être l'intérêt de notre pays, de la France, de procéder à ce partage de souveraineté", a-t-il poursuivi. Ce soir, le président français François Hollande et la chancelière Angela Merkel se retrouveront à Paris pour aplanir, espèrent les marchés, leurs divergences.