L'islamiste Mohammed Morsi a prêté serment, hier, devant la cour suprême constitutionnelle d'Egypte pour devenir le premier président de l'ère-post-Moubarak. "Nous aspirons à de meilleurs lendemains, une nouvelle Egypte et une seconde République", a-t-il dit lors d'une cérémonie solennelle retransmise en direct à la télévision d'Etat. "Aujourd'hui, le peuple égyptien a posé les fondations d'une nouvelle vie-liberté absolue, démocratie authentique et stabilité", a ajouté cet ingénieur de formation, professeur à l'université, vainqueur de la première présidentielle libre du pays. "L'Egypte aujourd'hui est un Etat civil, national, constitutionnel et moderne", a poursuivi le nouveau président, en costume bleu et cravate rouge. "C'est une nation forte à cause de son peuple et des convictions de ses fils et ses institutions". Plusieurs centaines de policiers et soldats surveillaient le siège de la cour, au bord du Nil, où Mohammed Morsi a prêté serment en fin de matinée. Seules quelques centaines de partisans ont pu l'acclamer aux abords du bâtiment et, contrairement à la pompe présidentielle des années Moubarak, la circulation n'a été que brièvement interrompue pour laisser passer sa modeste escorte. Le siège de la cour se situe juste à côté de l'hôpital militaire où Hosni Moubarak, 84 ans, avait été transféré il y a une dizaine de jours depuis l'hôpital de la prison où il était incarcéré. L'ancien président a été condamné à la réclusion à perpétuité pour complicité de meurtres après la mort de centaines de manifestants lors du soulèvement de l'an dernier. Candidat par défaut des Frères musulmans, le numéro deux de la confrérie, Khaïrat al-Chater, n'ayant pu se présenter à cause d'une condamnation sous Moubarak, Mohammed Morsi, 60 ans, avait été proclamé dimanche dernier vainqueur du second tour de la présidentielle égyptienne organisé les 16 et 17 juin. Présenté comme une "roue de secours" sans beaucoup de charisme, Mohammed Morsi a vu son prestige personnel grandir depuis sa victoire et son discours vendredi sur la place Tahrir du Caire, berceau de la Révolution du Nil, où des dizaines de milliers de partisans s'étaient massés. Il a cherché à se présenter comme le président de tous les Egyptiens et s'inscrire dans la lignée du soulèvement qui a abouti à la démission du président Moubarak après trois décennies de règne autoritaire. Après sa prestation de serment, Mohammed Morsi s'est rendu à l'université du Caire pour son discours d'investiture. Il a été accueilli par l'hymne national joué par une fanfare militaire. Bastion de l'éducation laïque lors de sa fondation en 1908, l'établissement est devenu dans les années 70 un fief des organisations étudiantes islamistes. Nombre des responsables de ces groupes ont ensuite rejoint la hiérarchie des Frères musulmans, le plus ancien et le plus puissant mouvement islamiste du pays.Les généraux du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le pays depuis la chute de Moubarak, devaient ensuite transmettre officiellement le pouvoir à Mohammed Morsi. Le président du Conseil suprême des forces armées (CFSA), le maréchal Hussein Tantaoui, se trouvait dans l'assistance. Avant-hier, sur la place Tahrir, Mohammed Morsi avait promis de reprendre les pouvoirs dont la présidence a été privée. Mais en acceptant de prêter serment devant la cour suprême constitutionnelle, plutôt que le Parlement comme il en était d'usage, il a cédé à la volonté de l'armée. Le 14 juin, le Parlement avait été dissous, la cour suprême constitutionnelle ayant jugé que la loi encadrant les législatives était anticonstitutionnelle. La dissolution du Parlement, où les Frères musulmans détenaient près de la moitié des sièges de députés, a entraîné la suppression de l'Assemblée constituante. Il affiche son soutien au peuple syrien Mohammed Morsi a appelé peu après son investiture dans un grand discours à l'Université du Caire à la fin de l'effusion de sang en Syrie: "Nous soutenons le peuple syrien. Nous voulons que l'effusion de sang cesse". Le nouveau président a également répété que l'Egypte soutenait les "droits légitimes" des Palestiniens et voulait travailler à la réconciliation entre les mouvements rivaux Hamas et Fatah. L'Egypte "se tient au côté du peuple palestinien pour qu'il obtienne tous ses droits légitimes, et nous allons œuvrer à réaliser la réconciliation palestinienne", a-t-il déclaré.