Le plan anticrise du président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi, a du mal à passer en Allemagne, malgré le soutien tacite de la chancelière Angela Merkel. "Journée noire pour l'euro", estimait, avant-hier, le quotidien populaire Bild. Un "cauchemar" selon Die Welt. La BCE "a définitivement ouvert la boîte de Pandore" écrit le Münchener Merkur. La presse allemande tirait majoritairement à boulets rouges sur les annonces de la veille. Mario Draghi a dévoilé un programme de rachat de dettes des pays en difficultés de la zone euro, violant un dogme de l'Allemagne qui craint par-dessus tout que ce type d'interventions génère une inflation galopante. 50% des Allemands sont hostiles aux rachats d'obligation par la BCE et seulement 13% y sont favorables, selon un sondage de l'institut Infratest dimap publié, avant-hier, mais réalisé peu avant les annonces de M. Draghi. "Une interprétation serait que (Angela Merkel) n'est pas favorable" à cette mesure, "mais qu'elle n'est plus en position de s'opposer à la cohorte des supporteurs du " modèle Draghi "", avance le journal Handelsblatt sur son site internet. Autre interprétation, selon le quotidien des affaires: "elle approuve ce plan, mais elle ne veut pas le dire trop ouvertement parce que certains au sein de la coalition gouvernementale le désapprouvent fortement". "En politique on déteste être seul, et si Merkel, s'opposait ouvertement aux annonces, elle serait complètement isolée dans la zone euro", estime également Werner Weidenfeld, professeur de sciences politiques de la Ludwig-Maximilians Universität Munich. Il considère aussi qu'elle a de quoi être satisfait des conditions mises par la BCE à son intervention. "La presse qui critique si vertement la BCE oublie que les mesures sont soumises au respect par les pays bénéficiaires de la discipline budgétaire prévue par le mécanisme de stabilité. C'est ce que voulait Angela Merkel", avance-t-il. Cette attitude est toutefois politiquement risquée, alors qu'elle briguera dans douze mois un troisième mandat lors des législatives. "Le silence insoutenable de la chancelière face à ce scandale pourrait avoir des conséquences considérables sur les élections de 2013", avertit le Rhein-Neckar Zeitung. "Ce n'est qu'une question de temps avant que les électeurs percent à jour le double jeu de la chancelière. A ce moment, la confiance dont elle jouit pour l'heure parmi les citoyens pourrait vite s'évaporer", renchérit le Ludwigsburger Kreiszeitung. Cette stratégie est risquée "mais en ce moment, tout est risqué", juge M. Weidenfeld, en soulignant la grande popularité persistante de Mme Merkel, actuellement supérieure à 60% d'opinions favorables. Tout juste lui conseille-t-il de "mettre plus l'accent sur l'explication de sa politique". "Ce qu'on peut lui reprocher, ce n'est pas de mal négocier, c'est de ne pas assez expliquer. C'est là son point faible", ajoute-t-il. En attendant, les adversaires de la BCE reportent tous leurs espoirs sur la Cour constitutionnelle de Karlsruhe (ouest), qui rendra, jeudi prochain, une décision capitale sur le mécanisme de sauvetage de la monnaie unique (MES). Merkel salue la conditionnalité du programme de la BCE La chancelière allemande Angela Merkel, a salué, avant-hier, les conditions posées par la Banque centrale européenne (BCE) dans son nouveau programme d'achat d'obligations visant à aider à résoudre la crise de la dette en zone euro. La BCE a clairement indiqué que l'avenir de l'euro dépend dans une large mesure des agissements politiques et que la conditionnalité est un point très important, a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse à Vienne. C'est le chemin que nous avons toujours choisi, a-t-elle fait valoir, ajoutant qu'il n'y a pas d'aide sans condition et sans contrôle. La BCE a annoncé la veille un programme illimité de rachat de dette des pays en grande difficulté budgétaire, comme l'Espagne ou l'Italie. Mais pour pouvoir en bénéficier, les Etats devront impérativement avoir fait appel à l'aide des fonds de secours européens, le FESF, provisoire, et le MES, son futur successeur. Et toute aide est conditionnée à des mesures d'austérité pour les pays qui ont recours à ces mécanismes. La BCE est une institution importante et forte, a poursuivi Mme Merkel. Elle est responsable de la stabilité des prix et elle a clairement démontré hier (jeudi) qu'elle était absolument déterminée à défendre cette stabilité des prix, a déclaré la chancelière. Schäuble convaincu que la BCE ne finance pas la dette des Etats Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, s'est déclaré convaincu, vendredi à Stockholm, que la Banque centrale européenne ne s'était pas lancée dans le financement de la dette des Etats en annonçant la veille un nouveau plan de rachat de dette des Etats. Ce n'est pas le début d'un financement monétaire de la dette publique. Ce ne serait pas acceptable, mais ce n'est pas cela, a déclaré M. Schäuble, lors d'une conférence de presse. Il a déploré que la presse allemande se soit montrée très nerveuse en critiquant la BCE. Il a particulièrement relevé l'argument selon lequel, en ne se fixant pas de montant limite dans son intervention sur les marchés, l'institution de Francfort risquait d'aller trop loin et de perdre le contrôle de l'inflation. Il y a des incompréhensions. Je vous donnerai un exemple: bien sûr que la BCE n'a pas annoncé de montant. S'ils annonçaient un montant, ou quoi que ce soit, cela permettrait de spéculer, a-t-il analysé. La décision de la BCE d'aider les Etats de la zone euro à maintenir des coûts d'emprunt raisonnables a été éreintée par une partie de la presse allemande, relayant des critiques de la banque centrale allemande. M. Schäuble, y a vu du sensationnalisme. C'est bon pour les gros titres, a-t-il estimé. Le ministre a salué et défendu l'indépendance de l'institution, et rappelé qu'en tant que ministre des Finances, on ne commente jamais les décisions de la BCE. Nous avons une Banque centrale européenne indépendante et nous faisons confiance à cette banque centrale, a-t-il souligné. Car selon lui si la Banque centrale européenne est un outil pour les responsables politiques, alors la bataille est perdue. Le mandat de la BCE est clairement limité à la politique monétaire. Et la décision que la BCE prend rentre dans le cadre de la politique monétaire, rien d'autre. C'est bien ainsi. Ils savent très bien ce qu'ils ont à faire, a insisté l'Allemand, en déplacement pour une conférence sur le modèle allemand et l'économie suédoise. Je pourrais vraiment vous expliquer, si j'étais de la banque centrale, pourquoi leur décision est dans le cadre de leur mandat. Mais je ne suis pas porte-parole de la BCE, a-t-il lancé. Le ministre a rappelé les efforts à faire pour les gouvernements de la zone euro, soulignant que tous les Etats membres doivent augmenter leur compétitivité. On ne peut surmonter la crise qu'en résolvant les problèmes à la racine (...) Ce n'est pas une question de pas assez de solidarité, a-t-il répondu à un journaliste qui lui demandait si l'Allemagne comptait débourser plus pour aider les Etats en difficulté. Il a aussi appelé à ne pas concentrer toute l'attention sur la zone euro. Les marchés n'arrivent à penser qu'à un seul problème à la fois, et si cette crise était résolue je suis sûr qu'ils trouveraient un autre problème à propos duquel il faut être très inquiet. Je suis convaincu que les problèmes sont pires dans d'autres régions du monde, a lancé M. Schäuble. La BCE sera chargée d'accorder et de retirer les licences bancaires La Banque centrale européenne se verra confier la supervision de l'ensemble des banques de la zone euro et aura la responsabilité d'accorder et retirer leur licence aux établissements de crédit, selon un projet de la Commission mis en ligne vendredi par Il Sole 24 Ore. Le commissaire européen chargé des Services financiers, Michel Barnier, doit dévoiler mercredi devant le Parlement européen à Strasbourg les grandes lignes de ce plan. La création d'une autorité unique de supervision bancaire a été décidée lors du dernier sommet européen fin juin. C'est la condition pour que le futur fonds de sauvetage permanent de la zone euro, le MES, puisse prêter directement aux banques sans passer par les Etats, évitant ainsi d'alourdir leur dette. Le projet de règlement que s'est procuré le quotidien italien comporte 33 pages et 28 articles. Il prévoit que la BCE exerce ses tâches dans le cadre d'un mécanisme de supervision unique comprenant la BCE et les autorités nationales compétentes et en coopération étroite avec l'Autorité bancaire européenne (EBA). L'institution de Francfort aura la compétence exclusive d'accorder et retirer les autorisations aux institutions de crédit de la zone euro. Elle sera également chargée d'imposer aux banques certains niveaux de fonds propres, voire de liquidités, et de vérifier qu'elles s'y conforment.