La société d'investissements Invesco Perpetual, premier actionnaire du groupe de défense britannique BAE Systems, a fait part, hier, de "réserves significatives" concernant le projet de fusion avec le groupe européen EADS, à deux jours d'une date limite importante pour l'opération. "Invesco ne comprend pas la logique stratégique du rapprochement qui est proposé", a indiqué dans un communiqué le fonds, qui possède 13,3% du capital de BAE Systems. Il pense en particulier qu'une fusion avec la maison-mère d'Airbus remettrait en cause l'accès privilégié de BAE au marché de la défense américain et s'inquiète de la présence des Etats - Allemagne et France - au capital. "Le niveau de l'actionnariat étatique dans le groupe combiné affaiblirait ses perspectives commerciales - en particulier aux Etats-Unis - et aurait pour conséquence une direction motivée par des considérations politiques plus que par la création de valeur pour les actionnaires", estime ainsi Invesco Perpetual, filiale britannique du groupe américain Invesco. Le ministre britannique de la Défense Philip Hammond avait déjà menacé la veille de bloquer l'opération si la France et l'Allemagne franchissaient les limites posées par Londres en essayant de garder une influence sur la gestion du futur groupe. Le Royaume-Uni dispose d'une action spécifique au sein de BAE, qui lui permettrait d'imposer son veto. La France, qui détient 15% du capital d'EADS, veut y rester, ce qui lui donnera 9% des actions de la nouvelle entité. L'Allemagne, qui n'est pas directement actionnaire d'EADS, insiste pour sa part sur la parité avec la France. Invesco s'inquiète par ailleurs de la baisse du cours de l'action BAE et remet en cause le ratio retenu dans le projet de fusion, qui prévoit que BAE représentera 40% de l'ensemble et EADS 60%. La société d'investissements regrette enfin de n'avoir pas de visibilité concernant les dividendes au-delà de 2013. "Invesco est très inquiet du fait que les dividendes versés aux actionnaires ne constitueront pas une priorité dans le groupe fusionné, les actionnaires de BAE devant alors faire face à une baisse significative de leurs dividendes dans le futur", écrit le fonds. EADS et BAE Systems ont jusqu'à, demain en fin d'après-midi, pour informer le régulateur à Londres de la réussite de leur projet, reconnaître leur échec ou demander un nouveau délai. De source proche des négociations, on explique depuis plusieurs jours que la réglementation britannique empêche de communiquer sur les synergies et la logique industrielle de la fusion, tant que les groupes n'auront pas présenté un projet détaillé au régulateur des OPA (Takeover panel). La Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France doivent donner leur approbation à cette opération, du fait de ses implications stratégiques. Londres menace de veto si Paris et Berlin ne réduisent pas leur participation Le ministre britannique de la Défense Philip Hammond a menacé la veille sur BBC Radio 4 d'utiliser sa golden share dans BAE pour bloquer la fusion EADS-BAE Systems si la France et l'Allemagne ne réduisent pas leur participation en deçà du niveau leur permettant de contrôler le groupe. Nous avons dit très clairement que nous avons des lignes rouges autour de la fusion EADS-BAE et que si elles ne peuvent pas être satisfaites, alors nous utiliserons notre golden share pour mettre notre veto sur l'accord, a déclaré le ministre sur la radio britannique. Il n'est pas nécessaire, je crois, qu'il y n'ait aucun intérêt français ou allemand dans l'entreprise. Il est nécessaire de réduire cette participation en dessous du niveau leur permettant de contrôler ou d'orienter la manière dont agit l'entreprise, a-t-il ajouté. La fusion créerait un champion européen de la défense et de l'aéronautique présent sur pratiquement tous les marchés de la planète, loin devant l'américain Boeing. Mais la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France doivent approuver l'opération en raison de ses implications stratégiques. De source proche d'EADS, on expliquait que l'Allemagne a obtenu l'accord de ses deux partenaires pour acquérir 9% du capital de la future entité et maintenir la parité avec la France, mais a ensuite mis fin aux pourparlers en exigeant pour elle le siège d'EADS. Une autre source proche des discussions a attribué le blocage au refus de Paris de s'engager par écrit à ne pas chercher à acquérir plus des 9% du capital de la nouvelle entité que lui donnera sa participation actuelle de 15% dans EADS. La Grande-Bretagne, elle, se contenterait de l'action spéciale proposée aux trois gouvernements pour empêcher quiconque de monter à plus de 15% du capital. Elle se fait fort de convaincre les Etats-Unis d'approuver l'opération si ses partenaires ne possèdent pas plus de 9% du capital chacun, dit-on de source proche d'EADS. A Londres, 45 députés conservateurs avaient appelé, vendredi, le premier ministre britannique David Cameron à obtenir des garanties avant tout feu vert à la fusion EADS-BAE Systems, affichant leurs craintes pour l'emploi et la relation privilégiée avec les Etats-Unis en matière de défense.