L'économie de la zone euro montre peu de signes de reprise en dépit d'une amélioration des conditions de financement sur les marchés, a estimé, avant-hier, Mario Draghi, après l'annonce du maintien des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne (BCE). A l'issue de la réunion de son conseil des gouverneurs, la BCE a, comme attendu, laissé son taux de refinancement (principal instrument de sa politique monétaire) fixé à 0,75%, son plus bas niveau historique auquel l'institution l'a ramené début juillet. Cette décision sans surprise intervient après la publication d'une série d'indicateurs reflétant la fragilité économique des Etats de la zone euro et qui plaidaient plutôt en faveur d'un assouplissement monétaire. Mais une telle décision aurait été susceptible d'alimenter les critiques, en Allemagne notamment, à l'adresse du président de l'institution, Mario Draghi, déjà vives depuis l'annonce du nouveau plan de rachat de titres de dette de la BCE, connu sous le sigle OMT (opérations monétaires sur titres). En tout juste un an, le successeur de Jean-Claude Trichet a en effet testé à plusieurs reprises les limites de la politique monétaire, en injectant plus de 1.000 milliards d'euros dans le système financier européen via des prêts à trois ans, en ramenant pour la première fois le principal taux d'intérêt de la BCE au-dessous de 1% puis en élaborant le plan OMT malgré l'opposition affichée de la Bundesbank allemande et de son président. Perspectives peu encourageantes pour la zone euro Pour calmer les esprits, la BCE a donc privilégié le statu quo. Avant-hier, en dépit d'une baisse de la confiance des entreprises, du recul du secteur manufacturier de la zone euro pour le quinzième mois consécutif. "L'activité économique dans la zone euro devrait rester faible même si elle est toujours soutenue par notre politique monétaire et la confiance des marchés financiers s'est visiblement accrue en réaction à nos décisions", a déclaré Mario Draghi. La BCE abaissera d'ailleurs ses prévisions de croissance le mois prochain, a-t-il précisé au lendemain de la révision à la baisse de celles de la Commission européenne. Il a estimé que l'inflation dans la zone euro devrait rester au-dessus de l'objectif de la BCE jusqu'à la fin de l'année et tomber en-dessous de 2% en 2013. La plupart des 73 analystes interrogés par Reuters la semaine dernière ont dit s'attendre à ce que le taux de refinancement soit abaissé à 0,5% dans les prochains mois en raison de la dégradation des perspectives de croissance en zone euro. La BCE prête à lancer son programme OMT Mario Draghi a en outre répété que la BCE était prête à lancer son programme de rachat de titres de dette des Etats en difficulté, comme l'Espagne ou l'Italie, une fois qu'une demande officielle d'aide serait formulée. "Nous sommes prêts à lancer le programme OMT qui contribuera à éviter les pires scénarios, et réduira ainsi les inquiétudes sur la matérialisation des forces destructives", a dit Mario Draghi. Il a cependant fermement écarté la possibilité de voir la banque racheter des titres de dette sans conditions, même confrontée à une situation extrême. Le programme OMT, a été présenté comme un "bazooka" pour régler la crise de la dette dans la zone euro mais la réticence de l'Espagne à y faire appel prive pour l'instant la BCE de tout moyen d'action. Pour pouvoir en bénéficier, un Etat en difficulté doit d'abord avoir sollicité l'aide du fonds de sauvetage européen. Or l'Espagne ne s'est pas encore engagée dans de telles démarches, le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy exigeant d'abord des garanties assurant que l'intervention de la BCE réduirait bien les coûts de la dette espagnole. Madrid pourrait toutefois ne pas se prononcer dans l'immédiat, puisque l'Espagne a bouclé, avant-hier, sans encombre et à des taux raisonnables son programme d'emprunt pour l'année 2012. Si le programme OMT n'a pas encore été lancé, son annonce a déjà permis de détendre la situation dans la zone euro, faisant reculer les rendements de la dette espagnole de deux points de pourcentage. L'euro amplifiait son repli face au dollar après la conférence de presse de Mario Draghi. Il a touché à 1,2716 dollar son plus bas niveau depuis le 7 septembre. "L'économie européenne a besoin d'être relancée. Si ce n'est pas la BCE qui le fait, qui le fera ?", a commenté Joseph Trevisani, responsable de la stratégie de Worldwide Markets. "L'euro va continuer de s'affaiblir parce qu'il n'y a pas de reprise en vue en Europe et que le reste du monde continue de s'enfoncer."