Les nuages s'accumulent dans le ciel du projet géant d'énergies vertes Desertec en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, en raison notamment du ralentissement économique mondial qui a jeté un froid sur l'enthousiasme de ses participants. Le groupe industriel allemand Bosch a annoncé, mardi dernier, son retrait à la fin de l'année du projet Desertec, quelques semaines à peine après celui du conglomérat allemand Siemens qui a prévu de liquider l'ensemble de ses activités liées au solaire. Nous avons décidé de ne pas prolonger notre participation à Desertec l'année prochaine, en raison d'une situation économique plus difficile, a justifié une porte-parole du groupe Bosch. Lancé à grand bruit en 2009, ce chantier, qui regroupe 21 sociétés et 36 partenaires dans une quinzaine de pays, vise à créer d'ici 40 ans un vaste réseau d'installations éoliennes et solaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, pour un investissement estimé à 400 milliards d'euros. Ses principaux initiateurs sont allemands, dont le réassureur Munich Re, les groupes d'énergie EON et RWE ou encore Deutsche Bank. Ils ont été rejoints au fur et à mesure entre autres par les italiens Enel et Terna, le français Saint-Gobain ou l'espagnol Red Electrica. L'énergie produite doit fournir à terme jusqu'à 20% de la consommation d'électricité de l'Europe, le reste étant destiné à la consommation locale. Toutefois, ce projet pharaonique fait face à des difficultés grandissantes et l'enthousiasme des débuts semble depuis s'être un peu assombri. Plusieurs raisons expliquent ce changement. D'une part, les changements politiques liés aux révolutions du printemps arabe l'an passé ont rendu plus incertaine l'évolution du projet. D'autre part, la crise économique en zone euro a durement frappé un certain nombre de partenaires, notamment dans le sud de l'Europe, qui cherchent à réduire leurs dépenses. Des défis auxquels s'ajoute celui de faire travailler ensemble autant d'acteurs internationaux. Des soutiens politiques plus discrets De son côté, Desertec se veut rassurant. Pour être honnête, le mot +difficultés+ est inexact, a tempéré Klaus Schmidtke, porte-parole de Dii, la société à l'initiative du chantier. Tout en regrettant le retrait de Bosch et de Siemens, Desertec fait valoir que des discussions sont actuellement en cours avec plusieurs nouveaux partenaires potentiels, dont l'espagnol Elecnor, l'américain First Solar ou encore le chinois SGCC. En outre, les activités se poursuivent, à savoir la réalisation d'un premier projet éolien et photovoltaïque de 100 mégawatts initié par le numéro deux allemand de l'énergie RWE et la mise en place d'une centrale thermo-solaire de 150 mégawatts, tous deux au Maroc. Je tiens pour réaliste, que les premiers projets soient à même de fournir de l'électricité en 2014, a martelé le patron de Desertec, Paul van Son, dans la presse allemande la semaine dernière. Il compte pour cela aussi sur le soutien d'organisations comme la Banque mondiale ou la Banque européenne d'investissement, ou encore sur celui des responsables politiques des régions concernées. Or cet appui semble se faire plus discret ces derniers mois, notamment en Allemagne. Mauvais présage, plusieurs ministres annoncés présents à la troisième conférence annuelle de Desertec à Berlin lui ont finalement fait faux bond la semaine dernière, à quelques heures d'une table ronde, invoquant des agendas chargés. Le soutien du gouvernement allemand était jusqu'à présent verbal. Mais il n'y a pas eu véritablement de soutien concret, rappelle Hans-Joseph Fell, député écologiste au Bundestag, en charge des questions énergétiques. Par ailleurs, un accord d'intention sur un premier projet de raccordement électrique entre l'Union européenne et le Maroc bute toujours sur les réticences de l'Espagne qui n'a pas encore donné son feu vert. Le projet Desertec est certainement un projet intéressant pour l'alimentation en électricité du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord. Mais que des quantités significatives d'électricité solaire soient importées de la Méditerranée vers l'Allemagne est loin d'être certain, résume la fédération allemande de l'énergie solaire.