Airbus restera libre de fixer sa politique commerciale et se comportera toujours comme une entreprise privée malgré le renforcement prévu des Etats dans le capital de sa maison mère EADS, a déclaré, avant-hier, Fabrice Brégier, président exécutif de l'avionneur. François Hollande a déclaré le même jour que les discussions entre Paris et Berlin sur la structure de l'actionnariat et la gouvernance du groupe d'aéronautique, d'espace et de défense EADS étaient sur le point d'aboutir. Selon des sources proches du dossier, la France et l'Allemagne auraient chacune 12% du capital d'EADS et l'Espagne 4%, alors que Berlin n'était pas jusqu'à maintenant directement présent au tour de table. "On apprécie les intérêts des pays européens pour Airbus et on en a besoin. Cependant, la gestion au jour le jour est purement opérationnelle et (le groupe est) gérée comme une entreprise totalement privée. Et c'est pourquoi nous réussissons", a expliqué Fabrice Brégier, lors d'un entretien à Londres. "Croyez-vous que j'ouvrirais une usine en Espagne - ou en Allemagne - juste parce que quelqu'un le veut ?" Des programmes sans prêts publics Fabrice Brégier a estimé qu'il serait un jour possible de lancer des programmes aéronautiques sans prêts publics si les règles du jeu étaient équitables, notamment avec les nouveaux entrants du secteur comme la Chine et la Russie, tout en soulignant que cela serait probablement difficile à obtenir. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a jugé que Boeing et Airbus avaient tous deux bénéficié de subventions illicites. Washington envisage des sanctions de 10 milliards de dollars et Bruxelles de 12 milliards, chacun s'accusant mutuellement de toujours subventionner leurs constructeurs aéronautiques. La suspension en novembre par l'Union Européenne de la taxe carbone sur les émissions à effet de serre de l'aviation pourrait par ailleurs aider Airbus à décrocher de nouvelles commandes en Chine, qui a menacé l'Union européenne de mesures de rétorsion. Fabrice Brégier a estimé que cette décision pourrait permettre la confirmation de commandes en souffrance de long-courriers A330 de la part de la Chine. Airbus a prévu par ailleurs d'augmenter son rythme de production d'A330 de 9,5 actuellement à dix par mois au printemps prochain. La décision sur un passage à 11 n'a pas encore été prise, a précisé Fabrice Brégier. Au total, le patron d'Airbus a indiqué que l'avionneur dépasserait son objectif de 650 commandes brutes cette année - il en comptait 646 à fin novembre, soit 585 nettes. L'avionneur a livré 516 appareils à fin novembre, a-t-il ajouté, non loin de son objectif d'environ 580 livraisons cette année. Sur ce total, Airbus a livré à fin novembre 25 appareils A380, rendant son objectif de 30 livraisons en 2012 "difficile mais réalisable" en raison des réparations liées aux fissures découvertes en début d'année dans les ailes de plusieurs exemplaires du très gros porteur. Airbus livrera probablement un peu moins de 30 A380 en 2013, puis un peu plus de 30 unités en 2014, a ajouté Fabrice Brégier. Il a également confirmé l'objectif d'équilibre financier du programme en 2015. Il a souligné qu'Airbus disposait du potentiel pour augmenter sa rentabilité chaque année au cours des quatre à cinq ans à venir s'il parvenait à livrer ses avions à temps et à maîtriser ses programmes. Montée en puissance de l'A320 L'un des principaux défis d'Airbus est de gérer l'augmentation des cadences de production de l'A320, destiné aux court-courriers, le plus vaste segment de l'aéronautique. Airbus a porté en octobre son rythme mensuel de production de 40 à 42 unités, un niveau que Fabrice Brégier, a qualifié de "douloureux" en raison des tensions sur la chaîne des fournisseurs. Il a précisé que la priorité d'Airbus était de maintenir ce rythme mensuel, y compris pendant la phase de transition entre l'A320 classique et sa version remotorisée, l'A320neo, dont Airbus a vendu près de 1 600 exemplaires. Lors d'une présentation pour les investisseurs qui a lieu, hier et la veille à Londres, EADS a dit viser une marge opérationnelle de 10% en 2015 en excluant le développement du futur long-courrier A350. Concernant ce programme, Fabrice Brégier, a dit que la priorité était "de loin" d'obtenir le meilleur appareil possible dans sa version intermédiaire, l'A350-900, la plus vendue. Certains analystes s'interrogent sur l'avenir de l'A350-800, la plus petite des trois versions, qui n'a engrangé que 92 commandes, sur un marché proche de l'A330. Airbus a ainsi annoncé, avant-hier, la conversion par Qatar Airways d'une commande de 17 A350-800 en autant d'A350-1000, la plus grande version. Fabrice Brégier s'est dit certain que l'A350-800 trouverait son marché pour les vols de longue durée ou nécessitant des capacités réduites sur certaines lignes. "Elle sera le complément de l'A350-900 et l'A350-1000, plus que le principal cheval de l'attelage", a observé Fabrice Brégier. Son entrée en service, prévue en 2016, contre 2014 pour l'A350-900 et 2017 pour l'A350-1000 permettra de soigner sa conception et d'améliorer sa consommation de carburant, a-t-il ajouté.