Swatch Group s'offre la marque américaine de joaillerie et d'horlogerie Harry Winston. Le géant biennois débourse environ 1 milliard de dollars (913 millions de francs suisse) pour s'emparer du "roi des diamants", ce qui en fait l'acquisition la plus importante de son histoire. La transaction s'élève à 750 millions de dollars plus la reprise de la dette nette maximale à hauteur de 250 millions de dollars, a indiqué, avant-hier, Swatch Group. Elle est soumise à l'approbation des différentes autorités de régulation. Le groupe biennois acquiert la marque et toutes les activités liées à la joaillerie et à l'horlogerie, ceci incluant les 535 employés au niveau mondial et la société de production sise à Genève."Harry Winston complète de manière admirable le segment Prestige de Swatch Group", commente Nayla Hayek, présidente du conseil d'administration du numéro un mondial de l'horlogerie. Le segment de luxe de Swatch Group comprend notamment les marques Breguet, Blancpain, Jaquet Droz et Omega. "Le diamant reste le meilleur ami de la femme", a-t-elle ajouté, faisant référence à la fameuse chanson interprétée par Marilyn Monroe "Diamonds Are A Girl's Best Friend" dans le film "Les hommes préfèrent les blondes". Renforcement dans les bijoux L'acquisition effectuée par Swatch Group n'inclut pas les activités minières de Harry Winston Diamond Corporation, à Toronto, rebaptisées Dominion Diamond Corporation. Harry Winston cherchait depuis plusieurs mois à se défaire de sa division montres et joaillerie pour se concentrer sur les mines. Un mouvement de concentration est actuellement à l'œuvre dans le luxe. Par cette acquisition, Swatch Group se renforce dans la joaillerie, un secteur dans lequel il cherche depuis longtemps à développer son activité. Le groupe avait tenté une alliance avec le joaillier américain Tiffany & Co. Le partenariat avait toutefois échoué à l'automne 2011 pour "violation grave des relations contractuelles". Depuis, les deux groupes se livrent à une âpre bataille judiciaire. Le joaillier veut 542 millions de francs, tandis que Swatch Group réclame la somme faramineuse de 3,8 milliards. Le diamant Taylor-Burton La maison a notamment taillé des pierres de légende telles que le Taylor-Burton, un diamant en forme de poire de 69,42 carats offert à l'actrice américaine Liz Taylor par Richard Burton pour sceller leur union houleuse. Harry Winston a également fait partie de la liste privilégiée des propriétaires du diamant Hope, une pierre bleue considérée comme un joyau maudit ayant appartenu à Louis XIV et, plus tard, à la reine Marie-Antoinette. La marque rivalise directement avec les plus grandes griffes de la haute joaillerie, telles que Cartier, propriété du groupe suisse Richemont, mais aussi Bulgari, acheté en 2011 par le français LVMH, et le diamantaire britannique Graff. Swatch se hisse dans la cour des grands de la joaillerie L'achat de la marque américaine constitue en cela une "véritable percée dans la haute joaillerie pour Swatch Group", souligne Thomas Chauvet, analyste chez Citigroup dans une note de recherche. Jusqu'à présent, Swatch Group était avant tout présent sur le segment de la bijouterie fantaisie par le biais de collections propres à la marque Swatch ainsi que de Calvin Klein, la marque américaine pour lequel le groupe suisse sous-traite la fabrication de montres. "La bijouterie avait toujours été une activité marginale pour le groupe", souligne l'analyste de Citigroup. Selon les estimations de Thomas Chauvet, l'impact de cet achat sur les bénéfices devrait être limité. "Nous estimons que la transaction va accroître le bénéfice par action pour l'année 2013 d'environ 2%", prévoit-il. Stars de Hollywood La dernière marque acquise par Swatch Group, à savoir Calvin Klein, remontait à plus de dix ans. Ces dernières années, l'entreprise biennoise a principalement racheté des fabricants de composants et mouvements horlogers. Harry Winston est l'un des grands noms du luxe. Prisée des princesses et des stars de Hollywood, la marque compte une série de boutiques installées dans les grandes capitales ou dans des villes prestigieuses. Jacob Winston, le père, avait ouvert une première boutique en 1888 à Manhattan, mais c'est son fils Harry qui fit connaître la griffe dans le monde entier jusqu'à obtenir le surnom de "roi des diamants". Action au sommet La division luxe de Harry Winston a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires de 411,9 millions de dollars, soit une progression de 12% à taux de change constants. Les investisseurs ont réservé un accueil très favorable à l'opération. A la Bourse suisse, l'action Swatch Group a clôturé en hausse de 4,20% à 513 francs. En matinée, le titre a même atteint 516 francs, un niveau record. Les analystes parlent d'un "très bon complément" pour l'entreprise. Avec un trésor de guerre estimé à plus de 2 milliards de francs, Swatch Group peut financer le rachat sans problème, note l'analyste de la Banque cantonale de Zurich Patrick Schwendimann. Le géant biennois affiche une santé éclatante: il a accru l'an dernier son chiffre d'affaires brut de 14% à 8,14 milliards de francs. Gros potentiel "Si les montres connaissent une croissance aussi dynamique qu'en 2012, la barre des 9 milliards de francs de ventes est à notre portée", a indiqué le patron de Swatch Group Nick Hayek. A ses yeux, Harry Winston a le potentiel pour atteindre un chiffre d'affaires de plus de 1 milliard de francs d'ici quatre à cinq ans. Quant à son bénéfice net, il pourrait s'élever à 250 millions. Le montant du rachat n'est pas bon marché et pourrait s'expliquer par une réflexion sur la rentabilité de Winston, estime Jon Cox, analyste chez Kepler Capital. Les experts relèvent que la rentabilité d'Harry Winston peut nettement être améliorée. Sa marge opérationnelle EBITDA est ressortie après neuf mois en 2012 à 10%, un niveau clairement inférieur à celui de Swatch Group. Changement de dimension Cette opération va néanmoins permettre aux activités de Swatch Group de changer de dimension.L'expansion dans la joaillerie faisait partie des ambitions de Nicolas Hayek, le fondateur du groupe, qui voulait lancer des lignes dans ce secteur d'activité, notamment à travers la marque Léon Hatot. Le groupe suisse avait cependant essuyé une série de revers sur ce segment, en particulier avec l'achat de l'italien Bulgari par LVMH. Bien que Nick Hayek ait nié avoir fait partie des candidats sur les rangs, les rumeurs de marché évoquaient régulièrement Swatch Group parmi les repreneurs du diamantaire dont le siège est à Rome. Imbroglio avec Tiffany & Co Le groupe avait également tenté une percée sur le segment des montres de joaillerie par le biais d'un partenariat avec Tiffany & Co, qui confiait à Swatch Group la fabrication de ses montres.Les relations entre les deux sociétés s'étaient cependant envenimées, Nayla Hayek, la présidente de Swatch Group, ayant reproché à Tiffany & Co de ne pas faire suffisamment d'efforts pour mettre en valeur les montres dans ses boutiques. En 2012, Swatch Group avait brutalement mis un terme à son contrat avec Tiffany & Co."L'acquisition de la marque de luxe Harry Winston s'insère bien dans Swatch Group dans la mesure où elle comble les lacunes dans les montres de haute-joaillerie", estime Rene Weber, analyste chez Vontobel, dans une note de recherche. Harry Winston dispose de 22 boutiques fans le monde. La marque réalise 75% de ses ventes en joaillerie et 25% de ses ventes sur le segment des montres, rappelle l'analyste qui souligne cependant que la marque souhaite renforcer sa division horlogerie. "Dans la mesure où Harry Winston veut se développer davantage dans les montres, Swatch Group est la meilleure solution", a dit Rene Weber. Swatch Group est connu pour ses montres en plastique multicolores, mais est présent sur toutes les gammes de prix, des montres pour enfants Flik-Flak aux marques de prestige telles qu'Omega, la montre de James Bond, et Breguet, dont certains modèles se vendent jusqu'à un million de francs suisses (800 000 euros).