Le G20 a promis, avant-hier, de ne pas s'engager dans une "guerre des monnaies" et remis à plus tard l'adoption de nouveaux objectifs de réduction de la dette en raison de la conjoncture économique mondiale toujours fragile. Les ministres du G20 rassemblés à Moscou se gardent dans leur communiqué de critiquer la politique de relance du Japon, qui a fait chuter le yen de 20% et suscité des protestations de ses rivaux commerciaux. A l'issue de nouvelles négociations vendredi soir, ils se sont néanmoins entendus pour intégrer dans le texte final un engagement à ne pas procéder à des dévaluations compétitives de leurs monnaies et à ne pas déterminer de cibles pour les taux de change. "Nous nous abstiendrons de procéder à des dévaluations compétitives", peut-on lire dans ce communiqué amendé auquel Reuters a eu accès. Cet engagement du G7, qui met implicitement le Japon en porte-à-faux, ne devait initialement pas figurer dans le communiqué du G20 en raison, notamment, des réticences exprimées par la Chine. "La formulation a été renforcée après nos discussions hier soir (vendredi)", a souligné le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty. "Le texte est plus fort qu'à l'origine, mais il était évident que tous ceux qui étaient autour de la table voulaient éviter toute forme de dispute monétaire." "Nous avons abordé la question des changes avec un refus commun d'entrer dans une guerre des monnaies", a renchéri le ministre français de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici. "Nous souhaitons que l'approche sur la question des changes se passe de façon coopérative, en excluant les stratégies de dévaluation agressives", a-t-il ajouté. "C'est pour cela que nous sommes tombés d'accord pour dire que ce sont les marchés qui doivent fixer les taux de change." Le communiqué ménage le Japon en soulignant que la politique monétaire de chaque pays doit viser à garantir la stabilité des prix et la reprise économique -ce qui revient à donner un blanc-seing aux pays dont la chute de la monnaie est alimentée par une politique de relance. Il réitère l'engagement pris par le G20 en novembre dernier d'œuvrer à une plus grande "flexibilité des taux de change pour refléter les fondamentaux (économiques) et éviter les défauts d'alignement persistants de taux de change". Pas d'accord sur la dette Le communiqué contient également un engagement en faveur d'une stratégie budgétaire à moyen terme, mais il se garde de définir des objectifs précis à court terme. L'accord sur la réduction de la dette conclu par les pays du G20 à Toronto à 2010 doit expirer cette année s'il n'est pas reconduit lors du sommet de Saint-Pétersbourg programmé en septembre prochain. "Les économies développées vont élaborer une stratégie budgétaire crédible à moyen terme, d'ici au sommet de Saint-Petersbourg", dit le communiqué. Les Etats-Unis, qui mènent une politique monétaire accommodante, ont insisté pour que le texte reconnaisse que les objectifs de consolidation budgétaire doivent tenir compte de la situation économique à court terme. Le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a reconnu que le G20 n'était pas parvenu à un accord sur les objectifs de déficit budgétaire à moyen terme. "Nous espérons que les pays-membres auront progressé d'ici le mois d'avril (...) sur l'adoption de nouveaux indicateurs budgétaires, à la fois sur le déficit et le niveau de la dette gouvernementale", a-t-il déclaré. Anton Silouanov, a également mis en garde dans son discours devant ses homologues contre les "conséquences imprévisibles" des mesures de politique monétaire non conventionnelles. "Les banques centrales qui mènent de telles politiques d'assouplissement monétaire devraient surveiller de près les risques que cela fait peser, aussi bien sur le plan national qu'international", a dit le ministre russe. Anton Silouanov, a affirmé que la relance de la croissance mondiale passait davantage par "des réformes structurelles dans tous les pays" que par des ajustements de changes. La question de la consolidation budgétaire a divisé les participants à la réunion de Moscou. Certains pays, Etats-Unis en tête, ont estimé que son rythme a été trop élevé jusqu'à présent, alors que l'Allemagne, la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) ont au contraire critiqué la lenteur des progrès, source d'incertitude à leurs yeux. "Certains craignent au sein du G20, et pas seulement les Américains, que se fixer un objectif, qui impliquerait une consolidation (budgétaire) très importante sur une très longue période revienne à dire au monde entier qu'on va imposer un frein budgétaire", avait expliqué vendredi un délégué du Groupe. "C'est n'est pas le bon message à adresser au moment où l'on s'inquiète pour la croissance à court terme", ajoutait-il. Initiative au G20 pour l'imposition des multinationales La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont présenté à l'occasion de la réunion du G20 à Moscou une initiative conjointe de lutte contre l'optimisation fiscale, pratique par laquelle les entreprises multinationales échappent largement à l'impôt. Paris, Berlin et Londres ont ainsi réagi au rapport publié mardi par l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Cette dernière a prôné une action coordonnée contre la pratique croissante des multinationales consistant à déclarer les profits ailleurs que dans le pays où ils ont été réalisés afin de bénéficier de fiscalités plus avantageuses. "Ce rapport fournit un support pour une coopération internationale accrue pour s'assurer que nos règles fiscales sont adaptées à l'économie internationale", a déclaré le ministre britannique des Finances, George Osborne. "Il est incroyable que nos règles fiscales aient été adoptées il y a cent ans par la Société des Nations et que l'économie internationale ait connu tant de changements depuis", a-t-il ajouté. Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a expliqué que les trois capitales allaient faire en sorte de combler les failles qui permettent aux multinationales de décider dans quel pays elles paient leurs impôts. "Les multinationales ne devraient pas pouvoir tirer avantage de la mondialisation pour réduire injustement leur impôt", a-t-il estimé. Le Trésor britannique a précisé dans une note que la Grande-Bretagne prendrait la tête d'un groupe de travail de l'OCDE sur la tarification des transferts de bénéfices. L'Allemagne présidera celui qui se penchera sur l'érosion de la base d'imposition, tandis que la France étudiera avec les Etats-Unis une refonte des normes juridiques s'appliquant notamment au commerce électronique. Londres préside le G8 cette année et a déjà fait savoir que l'impôt serait au coeur du prochain sommet de l'OCDE, en juin en Irlande du Nord, où un plan d'action global doit être élaboré. L'évasion fiscale pratiquée par certaines multinationales est particulièrement décriée depuis que les pays développés doivent s'imposer une cure d'austérité pour lutter contre la crise de la dette publique.