La zone euro s'est montrée décidée avant-hier à mettre sur pied d'ici fin mars un plan d'aide pour Nicosie, au bord de la faillite, après que le pays a montré des signes de bonne volonté en acceptant de se soumettre à un audit sur le blanchiment d'argent. Après des semaines de blocage, Chypre et son tout nouveau gouvernement conservateur a accédé à une demande de la zone euro et de Berlin en particulier: le pays subira une évaluation de la lutte contre le blanchiment d'argent au sein de ses institutions financières. Cet examen devrait être mené conjointement par l'organisme Moneyval, qui dépend du Conseil de l'Europe, la banque centrale chypriote et des cabinets privés. "C'est un pas en avant important, c'est la manière la plus convaincante de répondre aux inquiétudes" exprimées de part et d'autre, a estimé Olli Rehn, le commissaire européen chargé des Affaires économiques après une réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles. Forte de cette avancée, la zone euro demande désormais "aux institutions internationales et à Nicosie d'accélérer les travaux pour bâtir un plan d'aide et aboutir à un accord politique dans la seconde quinzaine de mars", selon le communiqué publié à la fin de la réunion. Dans cette optique, les ministres des Finances de la zone euro ont promis de se revoir très prochainement, sans donner plus de précision sur le calendrier. La troïka des bailleurs de fonds devrait-elle retourner sous peu à Nicosie. Pas de "haircut" Mais les modalités de l'aide financière pour Chypre divisent les Européens, certains voulant que les créanciers du pays subissent des pertes, comme ce fut le cas pour la Grèce. "Nous refusons de discuter de tout procédé non orthodoxe. Nous ne pouvons pas accepter l'idée d'un quelconque " haircut "", synonyme de pertes pour les créanciers et les déposants dans les banques chypriotes, a affirmé le ministre chypriote des Finances Michalis Sarris. Chypre a demandé une aide financière en juin dernier, après que ses deux principales banques ont appelé le gouvernement à l'aide. Elle espère obtenir de la zone euro et du FMI un prêt de 17 milliards d'euros, l'équivalent de son Produit intérieur brut. Les négociations ont traîné pendant des mois, face aux réticences du président sortant Demetris Christofias, opposé aux mesures d'austérité réclamées par l'UE en échange d'une aide financière. La zone euro a repris langue avec Nicosie en rencontrant le tout nouveau ministre des Finances, Michalis Sarris, qui a déjà occupé ce poste de 2005 à 2008. "Ce premier échange de vues a été utile", a estimé le patron de la zone euro, Jeron Dijsselbloem. "Avec le nouveau gouvernement en place, nous sommes confiants dans la possibilité de conclure rapidement les négociations pour mettre en place un protocole d'accord" sur l'aide, a-t-il ajouté. Importance systémique de Chypre L'heure presse car la situation de Chypre menace l'équilibre de la zone euro. "Si Chypre se trouvait en faillite de façon désordonnée, le résultat serait quasiment certainement une sortie de la zone euro", a mis en garde M. Rehn, dans un entretien à la presse. Il en a profité pour insister sur "l'importance systémique" de Chypre au sein de la zone euro, alors que certains pays, Allemagne en tête, ont à plusieurs reprises mis en doute cette assertion. L'Eurogroupe s'est également penché sur le retour sur les marchés de l'Irlande et du Portugal, deux pays sous assistance financière et qui demandent un allongement des prêts qui leur ont été consentis. L'Irlande a indiqué vouloir une extension de 15 ans de ses prêts. "Nous espérons aboutir sur ce point lors de la prochaine réunion des ministres des Finances en avril à Dublin", a affirmé M. Rehn. La zone euro a enfin fait un point sur les prévisions économiques récemment publiées par la Commission européenne qui ont relancé le débat sur l'austérité en Europe. Le débat sur l'austérité devrait également être au centre du sommet des dirigeants européens prévu les 14 et 15 mars à Bruxelles.