La zone euro se démenait vendredi soir pour tenter de boucler le plan d'aide pour Chypre, malgré les réticences exprimées par Berlin et les exigences du FMI, qui pose des conditions très strictes pour participer au sauvetage de l'île. Réunis dans l'après-midi à Bruxelles, les ministres des Finances de la zone euro et la directrice du FMI, Christine Lagarde, étudiaient toute une série d'hypothèses pour venir en aide à l'île méditerranéenne au bord de la faillite. Chypre a demandé en juin une aide financière à l'UE et au FMI pour l'aider notamment à renflouer ses deux principales banques, plombées par la crise grecque. Elle a besoin d'environ 17 milliards d'euros, soit l'équivalent de son Produit intérieur brut. Mais ses bailleurs de fonds ne sont pas prêts à lui accorder une telle somme et travaillent sur l'hypothèse d'un plan d'aide autour de 10 milliards d'euros, selon un diplomate européen. Ce chiffre avait déjà été évoqué cette semaine par le nouveau patron de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. Outre la crainte que Nicosie ne puisse rembourser une somme trop importante, se pose la question de la soutenabilité de la dette qui devrait atteindre environ 140% du PIB si le plan d'aide atteint 17 milliards d'euros, selon les estimations. Un niveau inacceptable pour le FMI notamment, qui souhaiterait voir la dette chypriote avoisiner les 120%, aide comprise. "Le FMI doit faire partie de la solution", a estimé la ministre finlandaise Jutta Urpilainen. Il doit participer "techniquement et financièrement", a renchéri son homologue luxembourgeois, Luc Frieden, alors que des informations ont circulé sur une éventuelle non-participation du FMI au programme chypriote. "Nous ne voulons pas d'un pansement, mais d'une solution qui dure et qui soit soutenable", a rappelé à son arrivée Mme Lagarde, avant de s'entretenir avec le nouveau président chypriote, le conservateur Nicos Anastasiades. Afin d'avancer dans les discussions, les ministres examinaient vendredi les options de financement préparées par la troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et FMI) pour assurer la stabilité des finances publiques chypriotes. "Nous allons examiner toutes les options", avait déclaré prudemment le ministre français, Pierre Moscovici, dans l'après-midi. D'autres pays sont plus déterminés. "Il ne doit pas seulement s'agir d'avancer, mais de trouver une solution" pour Chypre, a estimé le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. "Je ne peux pas imaginer que nous laissions passer le week-end sans avoir résolu le problème chypriote", a insisté celui qui fut le patron des ministres des Finances de la zone euro pendant huit ans. Interrogé sur un effacement de dette qui ferait subir des pertes aux créanciers privés, une solution fermement rejetée par Nicosie, M. Juncker a estimé qu'il fallait "rechercher une solution qui ne soit pas un effacement pur et simple". Si l'Eurogroupe semble avoir renoncé à cette idée, le nouveau gouvernement chypriote devra vraisemblablement franchir ce qui était jusqu'ici considéré comme des lignes rouges: la hausse de l'imposition sur les sociétés et la privatisation d'entreprises publiques rentables. L'instauration d'une taxe sur les transactions financières, jusqu'ici refusée, serait également à l'étude. "Je peux pas prédire jusqu'où iront les ministres des Finances", avait affirmé la chancelière allemande Angela Merkel, en amont de l'Eurogroupe. "Bien entendu, il est préférable de négocier rapidement, mais les choses prendront le temps qu'il faut pour aboutir à un résultat de qualité, car nous avons besoin d'une solution durable", avait-t-elle ajouté, fidèle à sa ligne. L'Allemagne veut notamment s'assurer que Chypre lutte activement contre le blanchiment d'argent. Après avoir traîné les pieds, Nicosie a accepté de se soumettre à un audit qui a débuté cette semaine et dont les premières conclusions sont attendues à la fin du mois. Pour bénéficier rapidement d'une aide financière, Chypre devrait également se tourner vers la Russie, dont elle est proche économiquement et culturellement. Le ministre des Finances, Michalis Sarris, doit se rendre lundi à Moscou pour demander une prolongation du délai de remboursement d'un prêt russe de 2,5 milliards d'euros venant à échéance 2016, et discuter de la façon dont la Russie pourrait contribuer au plan de sauvetage.