Le gouvernement irakien est paralysé depuis plusieurs mois par des querelles intestines entre sunnites et chiites qui ont provoqué le départ ou le boycottage de 17 des 40 ministres. Les appels au remplacement du Premier ministre irakien se sont multipliés, et les pressions se sont fait grandissantes aux Etats-Unis pour que le président Bush pousse M. Maliki à agir dans le sens voulu par Washington, notamment en ce qui concerne l'adoption de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Mais tout porte à croire que l'adoption de cette loi sur le pétrole, imposée par les Etats-Unis, est loin de connaître son épilogue. En effet, nombreux étaient les Irakiens à manifester samedi à Baghdad pour protester contre le prochain examen par les parlementaires irakiens de ce projet de loi. Brandissant pancartes et banderoles, les manifestants, en majorité des membres de syndicats, ont dénoncé une possible adoption de cette loi tant que "l'occupant américain sera présent en Irak". "L'occupant tente d'imposer cette loi en faisant pression sur le faible gouvernement (du Premier ministre) Nouri al-Maliki, qui a trop vite avalisé cette loi et qui l'a envoyée devant le Parlement pour que les députés fassent de même", a accusé Subhi Al-Badri, chef du "Front anti-loi sur le pétrole et le gaz". M. Badri, également responsable de la Fédération des syndicats et de la commission des travailleurs en Irak, a affirmé que "le seul but de cette loi est de voler les richesses de l'Irak", ajoutant que "nous ferons en sorte de l'annuler, avec le soutien de cinq millions de travailleurs irakiens". Pour ce faire, il a menacé de paralyser les exportations de pétrole et de renvoyer les compagnies étrangères d'Irak, y compris celles qui ont commencé à travailler. Il faut dire que l'opposition la plus formidable à cette loi vient de la Fédération des syndicats du pétrole forte de 26 000 membres et de ses alliés dans les autres unions. Ils ont fait capoter des contrats instituant un contrôle de multinationales sur certaines installations. Ils ont lancé une vigoureuse campagne dès juin 2005 contre le projet de privatisation US. En janvier 2006, ils ont convoqué une convention réunissant tous les principaux syndicats irakiens à Amman et publié un manifeste où ils dénonçaient l'ensemble du programme néo-libéral US pour l'Irak. En décembre 2006, ils ont affirmé s'opposer à la loi même si elle était adoptée. Par ailleurs, le ministère du Pétrole irakien, réduit dans la loi à la portion congrue, s'insurge et comme le note un analyste pétrolier, Rafiq Latta, "toute la culture du ministère s'oppose à (cette loi). Ces gens ont géré l'industrie pendant toutes ces années de sanctions. C'était un travail impressionnant et ils étaient fiers de leur pétrole". Le projet de loi qui doit être examiné prochainement par le Parlement irakien est considéré par Washington comme un point essentiel pour la réconciliation nationale en Irak. Cependant, les PSA (accords de partage de production) tels que propulsés dans la loi, sous la pression US, représentent le viol et le pillage institutionnalisés des richesses de l'Irak puisqu'ils prévoient que les compagnies auront droit à 70% des profits jusqu'à l'amortissement de leurs dépenses de développement (rappelons-le faibles en Irak) et 20% par la suite et ce, pour une durée de 30 à 75 ans. Or, les PSA de plus de 30 ans sont inhabituels sauf en Amazone. Ils signifient de plus, pour le peuple irakien, la perte du contrôle de son industrie pétrolière au profit des grandes compagnies. Avec 60% des réserves pétrolières du monde, le Moyen-Orient ne peut être qu'un enjeu de taille pour les Américains. L'Irak, à lui seul, se place au troisième rang pour l'étendue de ses réserves connues, après l'Arabie Saoudite et l'Iran, à savoir 115 milliards de barils, soit 10% du total mondial.