L'Autriche, mise sous pression par l'Union européenne sur son secret bancaire, est dorénavant prête, après les concessions du Luxembourg, à discuter elle aussi d'une amélioration des échanges d'informations bancaires de résidents européens pour lutter contre la fraude fiscale, a déclaré le chancelier social-démocrate Werner Faymann. C'est la réputation du pays qui est en jeu, a-t-il estimé dans un entretien au journal Kleine Zeitung, basé à Graz (sud), prenant en partie le contre-pied de la ministre des Finances, Maria Fekter, démocrate-chrétienne. Nous allons participer de façon massive à la répression de l'évasion fiscale en Europe. Nous sommes donc prêts à négocier une amélioration de l'échange des données bancaires, a-t-il déclaré dans une autre interview au quotidien Kurier. Nous verrons au cours de négociations au sein de l'Union européenne, comment nous allons procéder, mais nous allons participer pleinement à la lutte contre l'évasion fiscale en Europe, a-t-il dit. Le chancelier autrichien s'est également prêté à une attaque contre le Royaume-Uni, conseillant à M. Schäuble (ministre allemand des Finances, qui avait critiqué Vienne sur le secret bancaire) d'avoir rapidement une discussion sérieuse avec M. Cameron (Premier ministre britannique) sur les îles anglo-normandes. Ces îles (Guernesey et Jersey notamment) disposent d'un statut fiscal garantissant l'anonymat des dépôts bancaires. Il a également estimé que le débat sur le rôle douteux de grands instituts bancaires, comme la Deutsche Bank, devait être mis sur la table. Le débat en Autriche, avivé par la perspective des élections législatives du 29 septembre prochain, divise sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens, les deux partis du gouvernement de grande coalition au pouvoir depuis 2008. Les sociaux-démocrates sont favorables à une levée partielle du secret bancaire, alors que les conservateurs ne souhaitent pas l'abandonner. Le vice-chancelier conservateur Michael Spindelegger est aussi en faveur de négociations, a cependant assuré Werner Faymann au Kurier. Avant-hier, Michael Spindelegger avait pourtant affirmé que le secret bancaire devait être conservé, pour protéger la sphère privée des détenteurs de comptes. En réalité, les deux partis pourraient tomber d'accord sur l'abandon du secret bancaire pour les résidents étrangers et son maintien pour les Autrichiens, du moins pour les petits épargnants, comme l'a indiqué le secrétaire d'Etat aux Finances, Andreas Schieder (social-démocrate). L'Autriche, ainsi que le Luxembourg, sont les deux seuls pays de l'Union européenne (UE) à refuser, au nom du secret bancaire, de transmettre automatiquement des informations sur les comptes de résidents de l'UE sur son sol à la suite de demandes judiciaires, au nom du secret bancaire. Une directive entrée en vigueur début 2013 prévoit que les Etats membres ne peuvent plus refuser de transmettre des informations au seul motif que ces informations sont détenues par une banque ou un autre établissement financier. A partir de janvier 2015, l'Europe compte imposer un échange automatique d'informations sur cinq catégories de revenus et de capitaux, à condition toutefois que tous les Etats membres soient d'accord. Le Luxembourg s'est dit prêt à accepter des compromis et depuis, la pression monte sur la petite république alpine: Il est impossible qu'un Etat membre bloque les 26 autres, a estimé Emer Traynor, porte-parole du commissaire européen chargé de la Fiscalité, Algirdas Semeta, à Bruxelles. L'Autriche, en particulier par la voix de sa ministre des Finances, la conservatrice Maria Fekter, a toujours déclaré vouloir privilégier les accords bilatéraux, comme ceux signés avec la Suisse (en avril 2012) et le Liechtenstein (en janvier 2013). Cela permet d'imposer ces comptes, sans que nous soyons obligés de lever le secret bancaire, avait expliqué encore le 5 avril la ministre à Bruxelles. Les gens ont le droit d'avoir leur livret d'épargne protégé, non seulement en termes monétaires, mais également d'un accès démesuré, comme ce serait le cas avec un échange automatique des informations bancaires, avait-elle affirmé.