La Birmanie a entrepris une campagne de nettoyage ethnique contre la minorité musulmane apatride des Rohingyas, a estimé, hier, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW), dont les accusations ont été immédiatement rejetées par le gouvernement. Quelque 800 000 Rohingyas, privés de nationalité par l'ancienne junte birmane, vivent confinés dans l'Etat Rakhine, dans l'ouest du pays, théâtre en 2012 de deux vagues de violences meurtrières entre bouddhistes de l'ethnie rakhine et musulmans. Les Rohingyas, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées de la planète, ont été victimes de crimes contre l'Humanité, notamment de meurtres et déplacements forcés, selon ce rapport de HRW. Des responsables birmans, des leaders communautaires et des moines bouddhistes ont organisé et encouragé les attaques des Rakhines contre les villages musulmans en octobre, avec le soutien des forces de sécurité, a-t-il ajouté. Le gouvernement birman s'est engagé dans une campagne de nettoyage ethnique contre les Rohingyas qui se poursuit aujourd'hui à travers le refus de l'aide et les restrictions de mouvement, a insisté Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie de l'organisation. Ces accusations interviennent alors que l'Union européenne devait lever, hier, toutes ses sanctions contre la Birmanie, sauf l'embargo sur les armes. Une décision prématurée et regrettable, a commenté Robertson, estimant qu'elle limiterait les moyens de pression pour encourager le régime à poursuivre les réformes entreprises depuis la dissolution de la junte en 2011. Le porte-parole du président Thein Sein, a lui accusé HRW d'avoir fait coïncider ce rapport avec la réunion européenne. Le gouvernement ne prêtera pas attention à un tel rapport partial, a insisté Ye Htut. Si le terme de nettoyage ethnique n'a pas de définition juridique formelle, a noté HRW, il décrit généralement la politique d'un groupe ethnique ou religieux destinée à vider un territoire de la présence d'un autre groupe par des méthodes violentes et inspirant la terreur. Ainsi, en juin 2012, un camion du gouvernement aurait déversé 18 cadavres près d'un camp de déplacés rohingyas, pour leur faire peur, selon HRW. Plus de 125 000 personnes, en grande majorité des Rohingyas, ont été déplacées par les violences de l'an dernier et vivent toujours dans des camps de fortune où l'aide humanitaire est limitée. Selon des chiffres officiels cités par HRW, 211 personnes ont été tuées lors des violences de l'an dernier, mais l'organisation estime que ce bilan est largement sous-évalué. Le rapport, basé sur une centaine d'entretiens, évoque également l'existence d'au moins quatre charniers, accusant les forces de sécurité d'avoir voulu cacher des preuves de crimes. Des milliers de Rohingyas, considérés comme des immigrés illégaux par nombre de Birmans qui ne cachent pas une franche hostilité à leur égard, ont pris la mer depuis juin dernier pour fuir les violences. L'impunité qui a prévalu après ces événements a d'autre part encouragé des extrémistes dans d'autres parties du pays, a noté Robertson, appelant le gouvernement à punir les responsables. D'autres musulmans ont été visés en mars dans le centre du pays par des violences qui ont fait 43 morts. La BBC a publié, hier, des images qui semblent montrer que la police n'intervient pas pendant que des émeutiers bouddhistes, dont des moines, s'en prennent à des musulmans dans la ville de Meiktila.