Près d'un mois après des émeutes entre bouddhistes et musulmans qui ont fait 43 morts dans le centre du pays, l'ancienne prisonnière politique devenue députée a exprimé sa compassion envers les musulmans, largement visés par ces violences qui ont détruit mosquées et maisons En refusant de condamner les attaques contre les musulmans, l'opposante birmane Aung San Suu Kyi a perdu un peu de son aura auprès des défenseurs internationaux des droits de l'Homme, mais cette stratégie lui évite certainement de s'aliéner son propre peuple avant les élections de 2015. Près d'un mois après des émeutes entre bouddhistes et musulmans qui ont fait 43 morts dans le centre du pays, l'ancienne prisonnière politique devenue députée, a exprimé sa compassion envers les musulmans, largement visés par ces violences qui ont détruit mosquées et maisons. «Ils ne se sentent appartenir à aucun autre endroit et vous êtes tristes pour eux qu'ils ne parviennent pas à se sentir appartenir à notre pays non plus», a-t-elle déclaré cette semaine au Japon. Mais Suu Kyi, membre de l'ethnie majoritaire bamar, qui fait face à une certaine méfiance des minorités, n'a pas clairement condamné les violences contre les musulmans, ni les discours de haine de moines bouddhistes extrémistes. Comme en 2012, lorsque des violences entre bouddhistes de la minorité rakhine et musulmans de la minorité apatride des Rohingyas avaient causé la mort d'au moins 180 personnes dans l'ouest, elle a surtout insisté sur l'importance de l' «Etat de droit». Une attitude loin de satisfaire à l'étranger les défenseurs des droits de l'Homme qui attendaient plus de la lauréate du prix Nobel de la paix. «Ça doit aller plus loin que son sentiment de tristesse», a commenté Phil Robertson, de Human Rights Watch. «Elle est plus qu'une chef de l'opposition ordinaire (...) et c'est le moment d'exercer cette autorité morale construite au cours des années». «Elle se rapporte tout le temps à l'Etat de droit, mais ce n'est pas suffisant», a renchéri Chris Lewa, de l'organisation The Arakan Project qui défend les Rohingyas, notant la «déception» de ces derniers. Quelque 800.000 Rohingyas, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées au monde, vivent confinés dans l'Etat Rakhine et des dizaines de milliers d'entre eux, déplacés par les violences de l'an dernier, vivent toujours dans des camps. «Elle a l'obligation de trouver une solution à la crise», a insisté Abu Tahay, du Parti pour le développement démocratique national qui les représente, parce qu'elle est «la fille du général Aung San», héros de l'indépendance, et «une icône de la démocratie». Beaucoup de Birmans ne cachent pas leur hostilité envers les Rohingyas et la députée n'a d'ailleurs certainement pas pris la défense de ces derniers afin de conserver le soutien du peuple avant les législatives de 2015 dont la LND est favorite, selon les observateurs «Elle risque de s'aliéner de puissants bouddhistes parmi ses partisans si elle apparaît trop proche des Rohingyas ou d'autres musulmans», a noté Nicholas Farrelly, de l'Australian National University. «Peut-être qu'elle pourrait être plus audacieuse, mais c'est facile à dire pour les étrangers». Au delà des élections, la «Dame de Rangoon» ne veut pas jeter de l'huile sur le feu dans un pays en transition depuis la dissolution de la junte en mars 2011, selon Win Tin, membre fondateur de la LND.