Le Japon, qui a reconnu les souffrances infligées aux peuples d'Asie pendant la Seconde Guerre mondiale, ne compte pas revenir sur cette position, a affirmé, hier, son Premier ministre Shinzo Abe. “Comme les gouvernements précédents, nous reconnaissons que le Japon a infligé des dommages et des souffrances immenses aux peuples d'Asie”, a déclaré devant une commission parlementaire M. Abe, souvent dépeint par la Chine comme un inquiétant nationaliste. Début février, il avait provoqué un certain émoi dans la région en annonçant qu'il entendait réviser la déclaration faite en 1995 par son prédécesseur Tomiichi Murayama, à l'occasion du cinquantenaire de la capitulation nippone le 15 août 1945. Ce texte déclarait que le Japon, à travers son agression et sa domination coloniale, a causé des dommages et des souffrances immenses aux populations de nombreux pays, en particulier de nations asiatiques. Le Premier ministre de l'époque avait exprimé son profond remord et offert ses excuses du fond du cœur. Shinzo Abe, qui pense à une nouvelle déclaration en 2015 pour le 70e anniversaire de la défaite, a également annoncé qu'il souhaitait changer la Constitution pacifiste d'après-guerre imposée par le vainqueur américain, au risque de provoquer de vives critiques à Séoul comme à Pékin. Ces initiatives sont perçues en Chine comme en Corée du Sud comme la preuve du nationalisme exacerbé de droite du faucon Shinzo Abe, revenu au pouvoir fin 2012. Face aux soupçons persistants dans la région de révisionnisme, le chef de la diplomatie japonaise Fumio Kishida a réitéré la veille qu'il n'était pas question de modifier la déclaration de 1995. Le Japon regarde avec humilité ces faits historiques, exprime ses profonds remords et présente ses excuses du fond du cœur, a-t-il affirmé, précisant que cette opinion était celle du Premier ministre. De son côté, le secrétaire général du gouvernement Yoshihide Suga a répété que Tokyo n'envisageait pas non plus de revenir sur les sincères excuses et regrets exprimés par l'un de ses prédécesseurs, Yohei Kono, en 1993. Il avait alors reconnu que des dizaines de milliers de jeunes femmes asiatiques, en majorité coréennes, avaient été contraintes de se prostituer pour l'Armée impériale japonaise. Fin avril, près de 170 parlementaires japonais se sont rendus au sanctuaire controversé de Yasukuni à Tokyo, qui honore les soldats tombés au champ d'honneur mais aussi 14 criminels de guerre condamnés par les Alliés après 1945, ce qui a entraîné une critique immédiate de Pékin. Quelles que soient les qualités de leurs auteurs, les visites de responsables japonais à Yasukuni sont par définition des tentatives de nier le passé d'agression du Japon, avait déclaré Hua Chunying, porte-parole de la diplomatie chinoise. Suite à cette visite, la plus importante de parlementaires nippons depuis 23 ans dans ce sulfureux lieu de mémoire, la Corée du Sud avait annulé un déplacement au Japon du chef de sa diplomatie. D'autres initiatives du conservateur Abe ont été tout aussi mal perçues par les pays voisins: fin janvier, son gouvernement a approuvé un budget militaire en hausse pour la première fois depuis onze ans, à 52 milliards de dollars pour 2013-2014 (38,7 milliards d'euros). Et pour la première fois, le Japon a célébré fin avril en présence de l'Empereur l'anniversaire de la souveraineté recouvrée du pays en 1952 au terme de sept ans d'occupation américaine.