Douze jours après sa nomination, le nouveau Premier ministre japonais, Shinzo Abe, s'est rendu dimanche dernier à Pékin. C'est la première visite d'un chef de gouvernement nippon en Chine depuis cinq ans. D'où l'importance de cette rencontre. Au moment où la Corée du Nord vient de déclencher un nouvel essai nucléaire, ce sommet sino-japonais est apparu comme un élément de détente dans cette région du monde. Preuve en est, le président chinois, Hu Jintao, avait salué la visite à Pékin du nouveau Premier ministre japonais, Shinzo Abe, comme un « tournant » dans les relations entre les deux pays, malmenées par des lectures divergentes de l'histoire du XXe siècle. Shinzo Abe, élu le 26 septembre dernier, a décidé en effet de rompre radicalement avec la politique de son prédécesseur, Junichiro Koizumi, une politique marquée par une radicalisation du nationalisme japonais et des visites annuelles de Koizumi à Yasukuni. Ce sanctuaire dédié aux victimes japonaises des guerres, parmi lesquelles figurent 14 criminels de guerre japonais. Un sanctuaire considéré par la Chine et la Corée du Sud comme un symbole de l'expansionnisme nippon de la première moitié du XXe siècle. Pékin avait refusé, rappelle-t-on, les sommets avec Junichiro Koizumi du fait de ses visites à Yasukuni. Aussi, la rupture marquée par Shinzo Abe avec les habitudes instaurées par son prédécesseur explique l'attitude conciliante adoptée par la direction chinoise vis-à-vis de lui. Ce dernier est allé plus loin en exprimant ses « profonds remords » quant aux actions passées de son pays. La Chine premier partenaire commercial du Japon En outre, en choisissant la Chine et non les Etats-Unis pour son premier déplacement à l'étranger en tant que Premier ministre, M. Abe a du reste rompu avec la tradition. Une décision qui tient probablement aux liens économiques entre les deux puissances régionales. La Chine a pris en 2004 la place des Etats-Unis en tant que premier partenaire commercial du Japon. Aussi, il n'est pas faux de dire que le contexte économique inspire beaucoup cette réconciliation. Avec 188 milliards de dollars d'importations, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Japon. Au Japon, c'est l'Union européenne et les Etats-Unis qui s'imposent comme premiers fournisseurs. La Chine entend bien rattraper son retard. De leur côté, les Chinois ont mis une sourdine aux manifestations anti-japonaises contestant la publication au Japon de manuels d'histoire jugés révisionnistes. Le climat est donc à la détente entre les deux pays. « J'ai la volonté de ramener le ciel bleu sur l'avenir de nos relations », a résumé poétiquement le Premier ministre japonais. Lors de cette visite historique, il a aussi été question de la Corée du Nord. Opposé à tout nouvel essai nucléaire, Tokyo a ainsi saisi l'occasion pour demander à Pékin de faire pression sur son allié coréen pour l'en dissuader. Le rapprochement sino-japonais est perçu par nombreux observateurs comme crucial face à la menace nord-coréenne. Ainsi, sur ce terrain aussi, Pékin et Tokyo ont, malgré leurs divergences, adopté une position commune, dimanche. « Les deux parties expriment leur profonde inquiétude (...) y compris sur la question des essais nucléaires », selon le communiqué conjoint qui appelle à relancer les pourparlers multilatéraux. « Le Japon et la Chine sont d'accord sur le fait qu'un essai nucléaire nord-coréen serait inacceptable. C'est un message fort à l'adresse de la Corée du Nord », a ajouté de son côté M. Abe. Mais alors que le Japon pousse pour des sanctions contre la dictature de Kim Jong-il, la Chine plaide pour la négociation.