Les spéculations sur un prochain remaniement ministériel se multiplient en France avec Bercy en plat de résistance, le grand écart idéologique du tandem Pierre Moscovici-Arnaud Montebourg ayant atteint ses limites, selon certains proches du pouvoir. Avec quatre ministres et trois ministres délégués, la forteresse grise de l'Est parisien est en outre la cible idéale si François Hollande choisissait de resserrer son gouvernement. Plus grave que les doutes sur l'opportunité d'avoir un ministre de plein exercice pour le commerce extérieur et un autre pour l'artisanat, le commerce et le tourisme, beaucoup de responsables politiques ne supportent plus les contradictions entre les deux poids lourds du ministère de l'Economie. "C'est clair et net : il faut qu'il y ait une clarification. Ce n'est plus possible !", déclare une source gouvernementale qui a requis l'anonymat, assurant que les divergences entre le ministre de l'Economie et des Finances et le ministre du Redressement productif renforcent un climat déjà très anxiogène. Selon une autre source gouvernementale, "Bercy pose une difficulté, tout le monde le sait". "C'est un ministère qui a besoin d'un patron", poursuit la source. "Il faut une équipe soudée." Fidèle à son passé d'inventeur de synthèses à la tête du Parti socialiste, François Hollande a au contraire semblé vouloir créer le même équilibre à Bercy. Une façon de répondre aux défis contradictoires de contenir la gauche revendicative menée par Jean-Luc Mélenchon tout en réduisant les déficits. Pendant que l'ex-strauss-kahnien Pierre Moscovici, devenu le fer de lance de l'aile social-démocrate, proclamait la "révolution copernicienne" d'une gauche amie des entreprises, le chantre de la "démondialisation" Arnaud Montebourg pouvait ainsi lutter contre les fermetures d'usines et promouvoir le "made in France". "Pas la même sensibilité" Mais dès leur nomination, les deux hommes forts de Bercy ont agi comme s'ils devaient faire leurs preuves l'un par rapport à l'autre. "Ça va être un beau bordel", prédisait un des chefs de l'administration des Finances le jour de la prise de fonction des deux ministres. Arrivé troisième de la primaire pour désigner le candidat du PS à l'élection présidentielle, loin devant Ségolène Royal ou Manuel Valls, Arnaud Montebourg a d'abord bataillé pour obtenir la tutelle d'administrations revenant traditionnellement au ministère de l'Economie. Il a ensuite critiqué la Direction générale du Trésor, chargée de la politique économique, en l'accusant d'être libérale et dépourvue d'imagination, poussant Pierre Moscovici à renouveler publiquement sa confiance à son directeur, Ramon Fernandez, nommé sous la présidence de Nicolas Sarkozy. "Nous n'avons pas la même personnalité, nous n'avons pas la même sensibilité, nous n'avons peut-être pas le même talent", a récemment expliqué Pierre Moscovici avec une pointe d'ironie. Pour ce dernier, le départ de Jérôme Cahuzac, un ex-strauss-kahnien devenu son ministre délégué au Budget et obligé de démissionner après la révélation de l'existence de son compte en Suisse dissimulé, a été plus que celle d'un allié dans la ligne social-démocrate. Il s'est ainsi trouvé accusé par la droite et des médias d'avoir tenté de couvrir Jérôme Cahuzac, ce qu'il a toujours nié.