Le soufisme, par ses principes spirituels et ses préceptes de tolérance, de dialogue et d'ouverture vers les cultures, représente actuellement l'«élixir» des jeunes générations qui se trouvent parfois en perte de repères, a estimé, hier à Alger, le docteur en anthropologie des religions, M. Zaïm Khenchelaoui. «Le soufisme est l'élixir de la jeunesse. Il y a actuellement une nécessité de conserver et d'immuniser les jeunes générations, souvent fragiles, contre les phénomènes sectaires», a indiqué le docteur Khenchelaoui à l'APS à la veille de la 5ème édition du colloque international «soufisme, culture et musique» qui se tiendra du 14 au 17 décembre prochains à la maison de la culture Mouloud Mammeri à Tizi Ouzou. Selon lui, la conjoncture actuelle que vit le monde musulman, y compris la société algérienne, menacé notamment par une «mondialisation sauvage», nécessite de doter la jeunesse musulmane d'une «ouverture culturelle émanant des pratiques religieuses et de la foi de ses ancêtres, de son terroir, de son histoire et du pacte spirituel dont elle a besoin». Le docteur Khenchelaoui, qui est le président du comité scientifique de coordination du colloque, a tenu à souligner que «le soufisme a pour mission sacrée de réparer les ruptures et les traumatismes qu'ont vécus les chaînes de transmissions patrimoniales» dans la société. Concernant le colloque qui abordera cette année le thème de «la chevalerie spirituelle dans l'ordre rahmani», le docteur Khenchelaoui a estimé qu'il s'agit de «la plus grande rencontre internationale régulière, vu le nombre de pays participants et de la qualité des chercheurs universitaires intervenants qui sont d'une notoriété prouvée au niveau du Maghreb, du monde arabe et du monde musulman». Concernant le choix de la ville de Tizi Ouzou pour abriter la 5ème édition de cet événement spirituel, il a indiqué que c'est un choix «tout à fait naturel», puisqu'il a été décidé cette année d'aborder l'épopée rahmani, une confrérie «guerrière et résistante» qui a, de par son histoire, combattu jusqu'au bout le colonialisme français. Il a ajouté, à cet égard, que cette confrérie, qui est «la plus représentative» du soufisme en Algérie, a payé «un fort tribut pour sa résistance et son nationalisme puisqu'elle a été particulièrement meurtrie et nombre de ses fidèles et leaders ont été déportés en Nouvelle-Calédonie et d'autres régions lointaines du pays», relève-t-il. Evoquant les figures héroïques de la confrérie rahmania, dont cheikh A'heddad, lalla Fatma N'Soumer et cheikh El Mokrani, le docteur Khenchelaoui a indiqué qu'«elles ont marqué l'histoire de la Kabylie par leur résistance farouche au colonialisme ainsi que par leur parcours initiatique soufi». «Il s'agit d'aborder, dans ce colloque, la résistance menée par la rahmania appelée dans l'histoire religieuse de l'islam “la chevalerie spirituelle” ainsi que le double parcours de ces saints guerriers qui ont déclaré la guerre sainte contre l'invasion française à partir des zaouïas.» Le colloque représente aussi une opportunité pour mettre en exergue le rôle des zaouïas dans l'histoire de la résistance algérienne à travers «toute la dynamique religieuse, sociale, culturelle, spirituelle et économique qu'elles incarnaient en Kabylie», a-t-il dit. La rencontre de Tizi Ouzou aspire, également, à «rappeler aux jeunes générations de la région le passé glorieux de leurs ancêtres, les principes humanitaires d'amour, de tolérance, de fraternité et de solidarité diffusés par l'islam et le soufisme», a ajouté le docteur Khenchelaoui. Interrogé, par ailleurs, sur la place qu'occupe actuellement le soufisme au sein de la société algérienne, il a relevé que «le soufisme connaît un retrait ayant laissé de graves lacunes qui, souvent, ont été comblées par la pensée obscurantiste». Il a souligné que le soufisme «n'a jamais été et ne sera jamais un facteur de pouvoir, mais il représente plutôt une composante et un élément d'équilibre social, un facteur pacificateur et une dimension harmonieuse qui ne peut apporter que du bien sur tous les plans». Initié par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), ce colloque verra la participation d'une cinquantaine de chercheurs nationaux et internationaux venant, notamment, des pays musulmans, comme la Turquie, l'Iran, le Sénégal, l'Albanie, l'Azerbaïdjan, l'Ouzbékistan, du Maghreb, d'Europe et d'autres pays asiatiques, dont la Chine et l'Inde. Il est attendu, comme durant les quatre précédentes éditions organisées à Mostaganem, Tlemcen, Béjaïa et Alger sous l'égide du ministère de la Culture, la participation de troupes de chant soufi locales, nationales et internationales qui vont agrémenter les veillées spirituelles de cette manifestation culturelle que connaîtra la ville de Tizi Ouzou. APS