Huit groupes européens du gaz et de l'électricité, emmenés par le patron du français GDF Suez, Gérard Mestrallet, ont lancé, avant-hier, un appel solennel à l'Europe pour l'alerter de l'échec de sa politique énergétique qui est en train de détruire une partie du secteur. Nous ne demandons pas des subventions mais de la visibilité, des règles stables et homogènes en Europe, des objectifs quantifiés jusqu'en 2030 en matière de lutte contre le réchauffement climatique, explique M. Mestrallet dans un entretien au journal Le Monde. Cet appel (qui, outre GDF Suez, inclut les allemands EON et RWE, les italiens Eni et Enel, les espagnols Iberdrola et GasNatural Fenosa et le néerlandais GasTerra) est lancé alors que les chefs d'Etat européens se réunissent mercredi à Bruxelles pour un sommet largement consacré à l'énergie et notamment à la facture énergétique européenne et au gaz de schiste. Dans un communiqué commun, les huit groupes appellent de leurs voeux plusieurs mesures à prendre simultanément pour restaurer la confiance des entreprises du secteur de l'énergie dans l'attractivité du marché européen de l'énergie. Ils préconisent notamment un marché européen du carbone qui soit en mesure de soutenir des technologies favorables au climat et à travers lesquelles des perspectives fiables sont apportées, notamment en fixant des objectifs ambitieux mais réalistes en matière d'émission de gaz à effet de serre après 2020. Selon M. Mestrallet, il faut aussi que les dirigeants européens prennent acte que la politique énergétique qui a été menée jusqu'à présent est un échec. Le résultat est que l'Europe est en train de détruire une partie de son industrie énergétique. Il est urgent de redéfinir cette politique, ses ambitions et ses moyens. Le patron français, qui dénonce une balkanisation de l'Europe de l'énergie juge que l'Europe a failli sur ses trois objectifs affichés en la matière: la lutte contre le réchauffement climatique, l'amélioration de la compétitivité et la sécurité d'approvisionnement. Il en veut notamment pour preuve que malgré le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, malgré la mise en place d'un marché du carbone, les émissions de CO2 du secteur énergétique sont récemment reparties à la hausse, en particulier en Allemagne. Dans son entretien au Monde, il alerte notamment sur le sort des centrales à gaz européennes arrêtées trois jours sur quatre alors que les très polluantes centrales à charbon tournent à plein grâce à la chute du prix du charbon américain, effet collatéral de l'essor du gaz de schiste outre-Atlantique. Quant aux énergies renouvelables, les aides publiques contribuent à ajouter des surcapacités aux surcapacités, ce qui accentue le problème, selon lui. Jamais le risque de black-out n'a été aussi fort qu'aujourd'hui du fait de la non-compétitivité de ces centrales à gaz et de l'intermittence de l'éolien et du solaire, selon M. Mestrallet.