Les ministres européens des Affaires étrangères ont décidé, avant-hier soir, à Bruxelles, de lever l'embargo sur les armes pour les rebelles syriens. Ils maintiennent en revanche l'ensemble des sanctions prises depuis deux ans contre le régime de Bachar al-Assad. Cette décision va dans le sens de la Grande-Bretagne et de la France. Ces deux pays sont les seuls Etats de l'Union européenne (UE) à réclamer depuis plusieurs mois la possibilité de fournir des armes aux forces de l'opposition modérée. "Ce soir, l'UE a décidé de mettre fin à l'embargo sur les armes pour l'opposition syrienne et de maintenir les autres sanctions contre le régime syrien", a déclaré le chef de la diplomatie britannique William Hague. Il s'exprimait à l'issue de la réunion avec ses homologues européens. "C'est le résultat que souhaitait la Grande-Bretagne". Il s'agit "de la bonne décision", car elle "envoie un message très fort de l'Europe au régime d'Assad", a-t-il insisté. Pas d'armes envoyées dans l'immédiat M. Hague a cependant affirmé que son pays n'avait pas l'intention d'envoyer "dans l'immédiat" des armes aux rebelles. La levée de l'embargo "nous donne la possibilité de le faire si la situation se détériore". Le reste des sanctions, qui vise des personnalités et des entités du régime, et comprend aussi une série de mesures commerciales et financières, a été prolongé pour une durée de douze mois. L'UE "réexaminera sa position avant le 1er août", à la lumière notamment des résultats de la conférence Genève-2 prévue en juin et initiée par les Etats-Unis et la Russie. Les ministres russe et américain des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov et John Kerry, se sont auparavant rencontrés à Paris pour parler de la date de la conférence, de la manière d'amener les belligérants à la table des négociations et du bien-fondé de la présence de l'Iran à un tel forum. Pour Moscou, la levée de l'embargo met à mal Genève-2 La Russie a regretté, hier, la fin de l'embargo de l'Union européenne sur les armes à destination de la Syrie et estime qu'elle met en péril la conférence internationale en préparation. "Cela inflige des dégâts directs aux perspectives de réunir la conférence internationale", a estimé Sergueï Riabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères. La rencontre, proposée le 7 mai par Washington et Moscou, doit rassembler le mois prochain des représentants de l'opposition et du pouvoir syrien. "Il y a certaines conditions. On doit respecter le code de conduite européen et il n'y aura pas de livraisons avant le 1er août. Ça a à voir avec Genève-2", expliquait-on de source diplomatique française dans la nuit de lundi à mardi. "C'est une levée théorique de l'embargo, puisqu'il n'y aura pas de décision de livrer des armes avant le 1er août au plus tôt", ajoutait-on de même source. Paris juge que l'aide militaire fournie par la Russie et l'Iran aux forces syriennes justifie des livraisons d'armes aux insurgés afin de contraindre le régime à négocier.
Cas par cas Pour la France et la Grande-Bretagne, la perspective de livraisons d'armes aux insurgés permettra de renforcer l'opposition syrienne lors de ces pourparlers, même si cette dernière, divisée, n'a toujours pas décidé de participer ou non à la conférence. Plusieurs Etats membres de l'UE, au premier rang desquels l'Autriche et la Suède, jugent en revanche qu'un afflux d'armes en Syrie va aggraver les violences et contribuer davantage à la déstabilisation de la région. Même si la France et la Grande-Bretagne décident de fournir des armes aux rebelles, elles devront autoriser ces livraisons au cas par cas et vérifier qu'elles ne finissent pas entre de mauvaises mains. Catherine Ashton, Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, s'est efforcée de donner le change en assurant que l'Union européenne n'avait pas perdu sa capacité à adopter "une politique commune". "Ce que cela signifie, c'est qu'il y a une reconnaissance du fait qu'en tentant de déterminer la meilleure manière de soutenir le peuple syrien, les pays voudront prendre des décisions (par eux-mêmes)", a-t-elle dit à la presse. Trop peu, trop tard pour l'opposition syrienne La levée de l'embargo est insuffisante et intervient trop tard, a regretté, hier, un porte-parole de la Coalition nationale de l'opposition syrienne réunie à Istanbul. “Il s'agit certainement d'un pas positif mais nous craignons qu'il ne soit insuffisant et qu'il n'intervienne trop tard”, a déclaré Louay Safi. On espère que ce sera une décision effective et non pas des paroles, a de son côté souhaité un porte-parole du commandement militaire supérieur de l'Armée syrienne libre (ASL), la principale formation de la Coalition, Kassem Saadeddine.
L'incapacité à désigner un représentant de l'opposition pour Genève-2, principal obstacle L'incapacité de l'opposition syrienne à désigner un représentant constitue le principal obstacle à l'organisation d'une conférence internationale, a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov. “Les divergences entre les groupes qui combattent le gouvernement, et l'incapacité de nos partenaires, y compris les USA et l'UE, à assurer un niveau de représentation des forces d'opposition ayant suffisamment d'autorité, constituent l'obstacle principal aujourd'hui à la tenue de la conférence”, a déclaré M. Riabkov. M. Riabkov s'exprimait au lendemain d'entretiens à Paris entre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et le secrétaire d'Etat américain John Kerry. Ceux-ci ont indiqué à l'issue des entretiens s'être concentrés sur la composition d'une liste de participants pour la conférence dite Genève-2 dont ils ont lancé l'initiative au début du mois. Si Damas a donné son accord de principe pour participer à cette conférence, l'opposition syrienne, réunie depuis jeudi à Istanbul, apparaît profondément divisée et ne s'est pas encore prononcée sur sa présence. Armes chimiques: Paris analyse les échantillons rapportés de Syrie par un média français La France va analyser les échantillons de potentielles armes chimiques rapportés de Syrie par des journalistes du quotidien “Le Monde”, a annoncé, hier, un haut responsable français sous couvert de l'anonymat. “Des échantillons nous ont été remis (par les journalistes du “Monde”. Nous sommes d'accord pour procéder à des analyses, a déclaré ce haut responsable. Il a ajouté que le gouvernement français avait par ailleurs, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, analysé ses propres échantillons et conclu à des indices mais pas de preuve formelle de l'utilisation de gaz de combats en Syrie. Si on a suffisamment d'éléments convergents pour dire que des armes chimiques ont été utilisées, à ce moment-là il faudra prendre des décisions avec nos partenaires, examiner les conséquences à tirer, a-t-il encore dit.