Après sept ans d'exil, la 'bête noire' du président Musharraf a tenté de rentrer au Pakistan. Immédiatement détenu à son arrivée à l'aéroport d'Islamabad par les autorités pakistanaises, l'ancien Premier ministre a été expulsé vers l'Arabie saoudite. Le retour de cette figure de l'opposition risquait d'infliger un revers majeur au général Musharraf, confronté depuis mars à la plus grave crise politique depuis son arrivée au pouvoir il y a huit ans. Sharif avait en effet l'intention de l'affronter lors des prochaines élections générales. 'Je reviens au Pakistan (…) car mon pays a besoin de moi' , avait annoncé Nawaz Sharif. Cette figure de l'opposition, en exil depuis sept ans, avait d'entrée de jeu annoncé la couleur, samedi, lors d'une conférence de presse à Londres : son intention était, à son retour, de 'lever le peuple pakistanais contre la dictature', à la tête de son parti, la Ligue musulmane pakistanaise-Nawaz (Pml-N). L'ancien Premier ministre de 57 ans a reconnu qu'il s'attendait à être arrêté à son arrivée au Pakistan, pour répondre à des accusations de corruption au cours de ses deux mandats à la tête du gouvernement, dans les années 90. Mais c'est finalement un aller-simple pour l'Arabie Saoudite qu'il a reçu, quatre heures seulement après son arrivée à l'aéroport d'Islamabad. Placé en détention préventive, il a été refoulé vers Djeddah à bord d'un avion spécialement affrété par la compagnie Pakistan International Airlines (Pia). La presse pakistanaise affirme que ce plan d'expulsion vers l'Arabie saoudite avait été mis en place dès dimanche. Pour Ijaz ul-Haq, le ministre des Affaires religieuses, Nawaz Sharif a été 'renvoyé en Arabie saoudite conformément à l'accord avec Ryad'. Il a ajouté qu'en rentrant au Pakistan, le leader politique n'avait 'pas seulement mis le Pakistan dans l'embarras mais aussi l'Arabie'. C'est dans ce pays qu'il avait accepté d'être exilé pour dix ans. Nawaz Sharif avait signé en 2000 un accord avec le président Musharraf pour que celui-ci abandonne, en échange, la peine de prison à vie à laquelle il avait été condamné. Dans les années 90, Nawaz Sharif avait dirigé deux gouvernements à la gestion entachée par des allégations de corruption. Premier ministre de 1990 à 1993, il n'a pu achever son second mandat, entamé en 1997. C'est son chef des armées, Pervez Musharraf, qui l'a évincé le 12 octobre 1999, lors d'un coup d'Etat sans effusion de sang. Après sa destitution, l'ancien Premier ministre avait été condamné à la prison à vie pour détournement de fonds. Il avait alors préféré l'exil plutôt que la prison et avait gagné l'Arabie Saoudite, accompagné de 19 membres de sa famille. Depuis, il dirigeait de loin son parti, le Pml-N, l'un des plus populaires du pays. Mais sept ans après, cet 'arrangement' avait été invalidé par la Cour suprême, autorisant de fait Sharif à rentrer au Pakistan. Celui-ci s'était, entre-temps, reconstruit une crédibilité politique par son implacable opposition à Musharraf et comptait sur un retour triomphal dans son pays. En l'empêchant de remettre les pieds sur le sol pakistanais, le président-général a donc pris le risque de contredire le jugement de la plus haute juridiction du pays. Mais Musharraf n'en est pas à ce détail près. Dès l'annonce du retour de son rival, le chef de l'Etat pakistanais avait pris les devants pour éviter toute manifestation de soutien. Avant l'atterrissage de l'avion transportant Nawaz Sharif, une centaine de partisans se sont heurtés à d'importants effectifs policiers sur la route de l'aéroport. Les policiers ont chargé et battu à coups de bâtons les manifestants qui criaient ' Dehors Musharraf, dehors ! ' et ont arrêté les dirigeants de son parti, le Pml-N. Plusieurs centaines d'activistes pro-Sharif étaient aussi détenus depuis dimanche dans le Punjab, la base électorale de l'homme politique, par mesure de précaution. C'est en effet à Lahore, la capitale de cette province du nord-est du pays, que se trouve le siège de son parti. La police évoque l'arrestation de 250 'fauteurs de troubles', mais le porte-parole de Nawaz Sharif avance, lui, le chiffre de 2 000 activistes détenus par les autorités. Ces mesures sévères visent à contenir l'effervescence provoquée par l'annonce du retour du leader politique.