Enfin ! Après de longues semaines d'attente, le juge d'instruction en charge de l'affaire très médiatisée en Algérie et en Italie de pots -de -vin dite ''Sonatrach 2'' a lancé des mandats d'arrêt internationaux contre neuf individus dont l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, sa femme, ses deux enfants et le dénommé Farid Bedjaoui, a indiqué lundi à Alger le procureur général près la Cour d'Alger, Belkacem Zeghmati. Les mandats d'arrêt lancés contre les neuf mis en cause ont pris effet depuis deux semaines, a précisé M. Zeghmati lors d'un point de presse avec les médias nationaux, soulignant avoir "particulièrement cité les noms de ces mis en cause et non ceux des autres, car ils ont suscité moult interrogations". "Le juge d'instruction en charge de l'affaire a adressé une convocation à Chakib Khelil avant le lancement du mandat d'arrêt international à son encontre", a-t-il rappelé, précisant que le mis en cause "a reçu la convocation et ne s'est pas présenté. Il a, toutefois, adressé une réponse écrite au juge d'instruction". Dans sa réponse, Chakib Khelil a indiqué être "malade" et se trouver "aux Etats -Unis", précisant que son médecin traitant lui avait "prescrit un repos de deux mois" durant lesquels il lui avait "recommandé de ne pas voyager", a indiqué le Procureur général près la Cour d'Alger. Ces mis en cause, a-t-il ajouté, "sont poursuivis pour corruption, trafic d'influence, abus de fonction, blanchiment d'argent et passation de marchés contraires à la législation, outre le fait d'avoir été à la tête d'un groupe criminel transfrontalier". Outre les neufs mis en cause qui font l'objet de mandats d'arrêt internationaux, le juge d'instruction en charge de l'affaire avait auparavant ordonné la mise en détention préventive de deux accusés et le placement de deux autres sous contrôle judiciaire. Pour rappel, en Italie, la justice locale a déjà lancé un mandat d'arrêt international contre Farid Bedjaoui, poursuivi dans la même affaire, qui concerne dans la péninsule italienne le groupe Saipem, accusé d'avoir versé des pots -de- vin entre 2007 et 2009 pour l'obtention de sept contrats en Algérie d'une valeur globale de 8 milliards d'euros, selon la presse italienne. Les montants des pots -de -vin sont estimés, selon la procédure judiciaire italienne, à 197 millions de dollars, et versés en commissions à la Pearl Parteners Limited, domiciliée à Hong Kong et propriété de Farid Bedjaoui, selon les comptes- rendus de la presse italienne. Par ailleurs, l'annonce du mandat d'arrêt international contre Chakib Khelil intervient en fait dans le cadre d'une minutieuse procédure judiciaire pour démêler l'écheveau d'informations faisant état de versements de pots -de- vin dans le cadre de contrats gaziers et pétroliers en Algérie, juste après l'instruction d'un autre dossier, celui de l'affaire dite ''Sonatrach 1'' dans laquelle l'ex-P-DG du groupe Mohamed Meziane et des vice-présidents de Sonatrach sont impliqués. Dans son message à l'occasion de la célébration du double anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures et de la fête des travailleurs, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait affirmé qu'il n'allait pas "passer sous silence" les scandales récemment relevés par la presse et qui touchent la gestion de Sonatrach. "Ces informations soulèvent notre révolte et réprobation, mais je fais confiance à la justice de notre pays pour tirer au clair l'écheveau de ces informations, pour situer les responsabilités et appliquer avec rigueur et fermeté les sanctions prévues par notre législation", a-t-il dit. Il convient de rappeler que quelques jours auparavant, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, avait déclaré à propos de cette affaire que les mesures nécessaires seront prises ''une fois le travail de la justice terminé et que cette affaire soit confirmée''. "Des instructions très fermes ont été données (par les autorités) aux entreprises pour défendre leurs intérêts et pour poursuivre toute personne susceptible d'avoir agi contrairement aux intérêts de nos entreprises", a affirmé M. Yousfi. Avant de poursuivre " la justice est en train d'enquêter (sur l'affaire). (...) Nous prendrons les mesures nécessaires lorsque la justice aura terminé son travail et que ces affaires soient confirmées et avérées ". Le scandale, qui a éclaboussé quelques hauts responsables, qu'ils soient toujours en poste ou non, intervient après une première affaire qui avait déjà défrayé la chronique et fait tomber plusieurs hauts responsables de ce groupe énergétique. Il semble que cette fois-ci l'enquête soit en train de s'orienter encore plus haut dans la hiérarchie. Le procureur général près la cour d'Alger, Belkacem Zeghmati, avait annoncé au milieu du mois de février dernier qu'une information judiciaire dans le cadre de l'affaire dite ''Sonatrach 2'' avait déjà été ouverte. Les faits révélés par certains médias nationaux et étrangers sont "en relation avec l'information judiciaire déjà ouverte auprès du pôle pénal spécialisé de Sidi M'hamed (Alger) dans le cadre de l'affaire dite Sonatrach 2", avait alors précisé un communiqué signé par le procureur général. Cette précision intervenait suite aux informations publiées par des titres de presse faisant état de "l'implication de personnalités algériennes dans des faits à caractère pénal et plus précisément de corruption lors de l'exercice de leurs fonctions au sein des institutions de l'Etat". Le même homme de loi a, en outre, affirmé que la Justice algérienne "ne subit aucune pression concernant l'affaire 'Sonatrach 2". "La thèse qui prétend que la Justice algérienne n'a engagé de procédure judiciaire autour de ce dossier qu'après la mobilisation de la justice internationale, particulièrement la justice italienne, est dénuée de tout fondement", a souligné Zeghmati lors d'un point de presse avec les médias nationaux. "L'instruction du dossier 'Sonatrach 2+'se veut le prolongement du dossier 'Sonatrach 1'", a-t-il expliqué, affirmant que l'instruction de l'affaire "n'en est qu'à ses débuts, elle se poursuit et se déroule dans de bonnes conditions". Il semble que cette fois-ci l'enquête est en train de s'orienter et d'aller dans le bon sens. En effet, après de nombreuses craintes quant à la dépendance de la Justice algérienne, celle-ci a enfin pris la décision tant attendue.