Le rythme de création de PME en Algérie est toujours en deçà des potentialités économiques du pays, ce qui entrave la croissance de l'offre de biens et services et empêche une évolution significative des postes d'emploi, s'accordent à dire patrons, experts et officiels. L'environnement économique "peu enclin" à encourager la création d'entreprises est souvent évoqué pour justifier le peu d'engouement des jeunes à se lancer dans l'entrepreneuriat. Le président du conseil national consultatif de la PME, Zaïm Bensaci, a indiqué qu'il n'y a pas d'environnement favorable à la création de PME, et que le pays ne peut pas se satisfaire d'un nombre d'environ 700 000 PME, dont 98% sont de très petites entreprises employant moins de 10 personnes. D'après lui, l'Algérie devrait disposer de 2 millions de PME pour prétendre offrir du travail aux chercheurs d'emploi et booster la sous-traitance afin de réduire les importations. En plus de l'absence d'un environnement favorable, le même responsable fait état du peu d'ancrage de la culture de l'entrepreneuriat dans l'esprit de la catégorie de population susceptible de se diriger vers ce type d'activité. Pour mettre un terme à ces handicaps, il est proposé l'adoption d'une stratégie s'étalant sur 5 ans afin de disposer de suffisamment d'entreprises capables de répondre aux besoins de l'économie et de couvrir une partie des biens importés avec une facture de 60 milliards de dollars.
La bureaucratie mise à l'index Zaïm Bensaci a déploré que les importations aient primé au détriment de la production nationale, tout en évoquant par la même occasion un échec de la politique de promotion de la PME. Des facilitations sont revendiquées pour lever les entraves bureaucratiques de création d'entreprises tout en accompagnant cette initiative de réduction des conditions d'octroi de crédits auprès des banques. Mais tant que le banquier est soumis à des règles prudentielles strictes et à la menace de sanction de l'acte de gestion, la mise en œuvre de cette suggestion est rendue difficile, admet M. Bensaci, qui appelle l'Etat à "se débarrasser de ces contraintes". Le président du CNC PME illustre ces difficultés en disant que tout le monde ouvre le parapluie pour éviter de se retrouver devant le juge. Citant un cas concret d'entraves bureaucratiques, il affirme que si un chef d'entreprise recourt à des recrutements sans passer par l'Agence nationale de l'emploi, il risque des poursuites, alors même que le profil d'employés qui lui est proposé n'est pas conforme à ses attentes. Les contraintes à la création d'entreprises sont aussi décriées par les experts, à l'instar de Hamid Ali Kerkoub, qui relève l'urgence de réduire le parcours du combattant imposé aux potentiels créateurs d'entreprises par l'administration. Selon lui, il y a lieu de passer à une vitesse supérieure pour multiplier par deux ou trois le rythme de création des entreprises. Actuellement, ce rythme est jugé faible. Le ministère du Développement industriel et de la Promotion de l'investissement a évalué, à fin 2011, le nombre de ces dernières à 659 309 unités avec 40.237 nouvelles entités en une année par rapport à 2010.
97% des entreprises sont de très petites entreprises Lors de la semaine de l'entrepreneuriat en novembre dernier, le directeur général de la PME, Brahiti Amouri, qui s'exprimait au ministère du Développement industriel et de la Promotion de l'investissement, a précisé que 740 000 PME ont été recensées en 2012 et que 97% d'entre elles sont de très petites entreprises. Il a ajouté que le ministère encourage la création des PME pour en faire "un moteur de la croissance" et que l'Etat a pris de nombreuses mesures pour faciliter la création de l'entreprise parmi lesquelles la mise en place de pépinières permettant l'accompagnement de futurs entrepreneurs. Par ailleurs, le ministre des Finances, Karim Djoudi, estime que le taux moyen de création de PME sur la période 2001-2011 est de 25 000 à 30 000 PME par an, soit une progression de près de 10% par an et que les PME emploient plus de 50% de la population active. Selon le ministre du Développement industriel et de la Promotion de l'investissement, Amara Benyounes, il y a vraiment un manque de jeunes entrepreneurs, soulignant que les nouveaux investissements sont plutôt l'œuvre d'anciens entrepreneurs qui opèrent des extensions ou créent de nouvelles unités.
Des guides pour expliquer le processus de mise à niveau Pour sa part, Khaled Salmi, cadre à l'Agence nationale de la promotion de la PME (ANDPME) a souligné que l'Agence a aussi un plan d'aide pour parvenir à la création de 200 000 PME , "On oriente les jeunes vers la création d'entreprises, notamment à travers des formations", a-t-il dit, même si la priorité de l'Agence reste la mise à niveau de celles déjà existantes. Néanmoins, il n'est pas sûr que toutes les promesses de facilitation soient réalisables de sitôt. En effet, au sein de l'ANDPME, l'on est bien conscient de cette problématique. Selon son directeur général, Rachid Moussaoui, les dirigeants de PME ont effectivement des difficultés à s'imprégner des objectifs de la mise à niveau. En outre, il n'y a aucune obligation pour qu'un adhérent au processus suive toutes les étapes. En effet, une entreprise peut prendre connaissance de ses lacunes à travers un diagnostic et décider de suivre seule les autres étapes sans passer par une institution quelconque. L'Agence a alors fait recours à l'élaboration de guides pour expliquer toutes les étapes de ce processus et répondre ainsi aux interrogations des patrons. En 2013, seulement 3 000 PME ont adhéré au plan de mise à niveau bien loin de l'objectif de 20 000 unités tracé il y a cinq ans. Parmi elles, seule la moitié a obtenu une notification de financement et aucune n'a achevé le processus. En 2012, le nombre de PME ayant bénéficié de la mise à niveau était de 719 sur les 2.153 dossiers déposés. En plus des actions de sensibilisation conduites à travers des séminaires tenus en décembre dans trois régions du pays, l'ANDPME a aussi annoncé une refonte de ses statuts pour faciliter la relation avec les entreprises mais aucun détail n'a été donné sur ce chantier. De son côté, le président du Conseil national consultatif de la PME, Zaïm Bensaci, pense qu'il ne faut pas s'arrêter à la phase du diagnostic, regrettant le nombre restreint des experts en charge du diagnostic, estimé à 450 professionnels et qui ne peuvent pas prendre en charge une masse importante d'entreprises. Même avec l'expertise européenne à travers le programme PME II doté de 44 millions d'euros, il n'y a eu que 200 entreprises qui sont mises à niveau. Selon M. Bensaci, les montants alloués à l'entreprise dans le cadre de la mise à niveau restent insuffisants. Le même constat était établi précédemment par le vice-président de l'association des consultants algériens, Idriss Yalaoui, en ce qui concerne les honoraires perçus par les experts pour la phase de prédiagnostic, estimé à 500 000 DA pour une période de deux ans, jugés insuffisants.
15 millions DA pour l'investissement matériel M. Bensaci a estimé également que le coût plafonné pour le diagnostic et la phase d'investissement peut constituer un frein. L'ANDPME plafonne le coût du diagnostic à 2,5 millions DA avec une aide publique de 80% à l'entreprise qui finance le reste avec une suppression de la phase de pré-diagnostic. En effet, pour les investissements immatériels, l'apport de l'Agence est de 3 milliards DA avec une aide de 80% de l'Etat. Des aides sont aussi accordées pour les investissements matériels ou encore pour la formation. L'intérêt de ces actions réside dans le fait qu'il est impératif de s'orienter vers la promotion de l'outil de production national, estime de son côté le président du Forum des chefs d'entreprise Réda Hamiani. Il a indiqué qu'en dehors des hydrocarbures et de la sidérurgie, plus de 80% de la valeur ajoutée proviennent du secteur privé et que 90% de l'emploi sont générés par les PME. Selon lui, il faut encourager davantage les entreprises nationales. Pour cela il préconise "la nécessité de revoir la démarche de mise à niveau des entreprises" et il a bon espoir que ce message soit écouté par les pouvoirs publics.