De nombreux dirigeants de PME peinent encore à saisir pleinement les enjeux et les objectifs de la mise à niveau des entreprises et se satisfont, dans bien des cas, du diagnostic effectué par des experts sans poursuivre le processus jusqu'à son terme. Ce constat est relayé aussi bien par des experts que par des responsables de la promotion de la PME qui appellent à une réorientation des actions de l'Agence nationale de la promotion de la PME (ANDPME) pour mettre fin à cette carence. L'une des pistes avancées pour parvenir à cet objectif est celle de "la création d'espaces mixtes entre les institutions publiques et le secteur privé", a suggéré Hamid Ali Kerkoub, économiste et expert conseil en entreprise. Cet expert regrette que la mise à niveau se limite actuellement à la phase du diagnostic ce qui a pour résultat, a-t-il dit," peu d'entreprises sont réellement mises à niveau" dans le cadre du plan national décidé en 2010 et doté d'une enveloppe de près de 4 milliards de dollars. "Même si un plan de développement est établi suite au diagnostic, il n'est presque jamais mis en £uvre que ce soit en matière de formation destinée au chef d'entreprise qu'à ses cadres", a-t-il souligné. Dans un autre domaine et malgré l'insistance de certains experts sur le plan de développement des TIC, "peu d'entreprises ont implémenté des nouvelles solutions" laissant l'outil de production dans un état désuet, a-il ajouté. Pour illustrer ce peu d'engouement des entreprises à aller au bout du processus de mise à niveau, le même expert a indiqué que les patrons se satisfont de l'analyse des données liées, entre autres, à la comptabilité et aux ressources humaines, "sans plus". "Ce sont toutes ces hésitations qui révèlent le peu de disponibilité des chefs d'entreprises à saisir les enjeux de la mise à niveau", a-t-il fait remarquer. Des guides pour expliquer le processus de mise à niveau Au sein de l'ANDPME, l'on est bien conscient de cette problématique. Selon, son directeur général, Rachid Moussaoui, les dirigeants de PME ont effectivement des difficultés à s'imprégner des objectifs de la mise à niveau. En outre, il n'y a aucune obligation pour qu'un adhérent au processus suive toutes les étapes. En effet, une entreprise peut prendre connaissance de ses lacunes à travers un diagnostic et décider de suivre seule les autres étapes sans passer par une institution quelconque. L'Agence a alors fait recours à l'élaboration de guides pour expliquer toutes les étapes de ce processus et répondre ainsi aux interrogations des patrons. En 2013, seulement 3.000 PME ont adhéré au plan de mise à niveau bien loin de l'objectif de 20.000 unités tracé il y a cinq ans. Parmi elles, seule la moitié a obtenu une notification de financement et aucune n'a achevé le processus. En 2012, le nombre de PME ayant bénéficié de la mise à niveau était de 719 sur les 2.153 dossiers déposés. En plus des actions de sensibilisation conduites à travers des séminaires tenus en décembre dans trois régions du pays, l'ANDPME a aussi annoncé une refonte de ses statuts pour faciliter la relation avec les entreprises mais aucun détail n'a été donné sur ce chantier. De son côté, le président du Conseil national consultatif de la PME, Zaïm Bensaci, pense qu'il ne faut pas s'arrêter à la phase du diagnostic, regrettant le nombre restreint des experts en charge du diagnostic, estimé à 450 professionnels et qui ne peuvent pas prendre en charge une masse importante d'entreprises. Même avec l'expertise européenne à travers le programme PME II doté de 44 millions d'euros, il n'y a eu que 200 entreprises qui sont mises à niveau. Selon M. Bensaci les montants alloués à l'entreprise dans le cadre de la mise à niveau restent insuffisants. Le même constat était établi précédemment par le vice-président de l'association des consultants algériens, Idriss Yalaoui, en ce qui concerne les honoraires perçus par les experts pour la phase de prédiagnostic, estimés à 500.000 DA pour une période de deux ans, jugés insuffisants. 15 millions DA pour l'investissement matériel M. Bensaci a estimé également que le coût plafonné pour le diagnostic et la phase d'investissement peut constituer un frein. L'ANDPME plafonne le coût du diagnostic à 2,5 millions DA avec une aide publique de 80% à l'entreprise qui finance le reste avec une suppression de la phase de pré-diagnostic. Pour les investissements immatériels, l'apport de l'Agence est de 3 milliards DA avec une aide de 80% de l'Etat. Des aides sont aussi accordées pour les investissements matériels ou encore pour la formation. L'intérêt de ces actions réside dans le fait qu'il est impératif de s'orienter vers la promotion de l'outil production nationale, estime de son côté le président du Forum des chefs d'entreprises Réda Hamiani. Il a indiqué qu'en dehors des hydrocarbures et de la sidérurgie, plus de 80% de la valeur ajoutée provient du secteur privé et que 90% de l'emploi est généré par les PME. Selon lui, il faut encourager davantage les entreprises nationales. Pour cela il préconise "la nécessité de revoir la démarche de mise à niveau des entreprises" et il a bon espoir que ce message soit écouté par les pouvoirs publics.