Des chiffres de l'emploi contrastés aux Etats-Unis pour décembre ont dressé un tableau de l'économie américaine qui laisse perplexe, montrant un taux de chômage en baisse malgré des créations d'emplois très décevantes. Le taux de chômage a reculé bien davantage que prévu en décembre, perdant 0,3 point de pourcentage pour descendre à 6,7%, le plus bas niveau depuis octobre 2008, selon les chiffres du ministère du travail parus avant-hier. Mais dans le même temps, le faible niveau des créations d'emplois à 74 000, presque trois fois moins que les attentes, a choqué l'ensemble des prévisionnistes. C'est le plus faible score en trois ans. Ce qui peut paraître comme une aberration (un taux de chômage en décrue sensible associé à des créations d'emplois qui marquent le pas) s'explique en partie par les conditions météorologiques très hivernales et par un déclin de la population participant à la force de travail. Un mois de décembre plus froid qu'à l'ordinaire a comprimé les embauches et même empêché 273 000 employés de travailler, un record sur dix ans pour un mois de décembre. Dans le même temps, la population active a perdu 347 000 personnes en un mois, ramenant le taux de participation à l'emploi à 62,8%, ce qui explique en partie ce recul du chômage. En outre, ces chiffres proviennent de deux études différentes: l'une menée auprès des ménages pour établir le taux de chômage, et une autre réalisée auprès des entreprises et des institutions publiques pour évaluer les créations d'emplois. "Autant pour ADP !", ironisait Jim O'Sullivan, économiste en chef pour les Etats-Unis chez High Frequency Economics, évoquant l'indicateur très observé par les marchés, qui annonçait mercredi 238 000 nouveaux emplois dans le seul secteur privé. Le gouvernement, pour sa part, a réduit modérément ses effectifs, détruisant 13 000 postes en décembre, selon les chiffres du ministère. "Nous pensons que les créations d'emplois étonnamment faibles sont largement dues aux conditions météo sévères du mois dernier", affirmait Paul Ashworth, de Capital Economics. Parallèlement, "la chute du taux de chômage reflète d'abord un recul du taux de participation de la population à l'emploi, ce qui fait moins bonne impression", ajoutait Jim O'Sullivan de HFE. Cette réduction du taux de participation peut s'expliquer par des départs à la retraite, des étudiants qui renoncent à travailler ce mois-là ou encore des chômeurs découragés qui ne postulent plus à des emplois. Au rang des bonnes surprises, le ministère a réévalué en hausse les créations d'emplois de novembre, qui affichent désormais 241 000 nouvelles embauches. Cela porte à 182 000 la moyenne des créations d'emplois mensuelles en 2013, "bien assez pour assurer la poursuite du recul du taux de chômage", selon Jim O'Sullivan. Cela a fait dire à la Maison Blanche que "même si la croissance des embauches était moins bonne qu'attendue", il fallait "se concentrer sur les tendances à long terme". Dans un communiqué, le président du Cercle des conseillers économiques de la présidence, Jason Furman, soulignait que "sur l'ensemble de 2013, le taux de chômage avait décru de 1,2 point de pourcentage". En revanche pour l'opposition, représentée par John Boehner, président républicain de la Chambre des représentants, "ce rapport décevant démontre encore une fois que la politique du président (Obama) laisse trop d'Américains sur le carreau. Nombre d'entre eux ont simplement renoncé à chercher du travail". Ces chiffres contrastés devaient aussi rendre la tâche de la Réserve fédérale (Fed) plus délicate, notaient l'ensemble des analystes, alors que la banque centrale, plus optimiste sur l'emploi, a commencé à enfin réduire ses injections de liquidités destinées à soutenir l'économie. "Voilà exactement le genre de rapport sur l'emploi que la Fed ne voulait pas voir. Cela complique son message", commentait Harm Bandholz, analyste pour UniCredit. La Fed, qui a annoncé mi-décembre qu'elle allait poursuivre une décrue graduelle et régulière de ses mesures exceptionnelles d'assouplissement monétaire, "pourrait choisir d'attendre un autre signal du marché du travail pour voir si ce mois de décembre était une aberration", estimait Paul Edelstein, l'économiste d'IHS Global Insight. Mais dans l'ensemble, les analystes pariaient sur une poursuite de la réduction graduelle des achats d'actifs de la Fed.