Le rouble a poursuivi sa dégringolade vendredi et atteint le plus bas niveau de son histoire par rapport à l'euro, en raison notamment de la défiance des investisseurs pour les marchés émergents. Après avoir dépassé dans la matinée le seuil de 47 roubles pour un euro, la devise russe a atteint 47,25 RUB, son plus bas niveau historique, atteint en février 2009. Face à la monnaie américaine, le rouble valait à la même heure 34,40 RUB pour un dollar, un niveau plus atteint depuis mars 2009. La devise russe, qui avait déjà perdu environ 10% de sa valeur en 2013, pâtit depuis le début de l'année de la défiance des investisseurs pour les marchés émergents, qui provoque d'importantes fuites de capitaux, et du fort ralentissement de l'économie russe. La croissance est estimée à 1,4% en 2013 par le gouvernement contre 3,4% en 2012. Selon Evgueni Nadorchine, analyste chez AFK Sistema, la chute du rouble est en grande partie liée à la décision de la banque centrale américaine de réduire son soutien monétaire à l'économie. Les investisseurs, qui se préparent à une hausse des taux d'intérêt aux Etats-Unis, y rapatrient leur fonds au détriment des devises des pays émergents. Dans le même temps, "une partie des investisseurs réinvestit dans les obligations européennes qui semblent aujourd'hui beaucoup plus sûres qu'il y a deux ans", souligne-t-il. La situation économique en Russie, menacée par la récession, "aggrave la situation", ajoute-t-il. Un affaiblissement du rouble est vu d'un mauvais œil par la population russe, qui garde en mémoire la dévaluation de 1998. Et cette tendance pourrait être aggravée si les Russes se ruaient vers les bureaux de change pour convertir leurs roubles en devises étrangères. Le président russe, Vladimir Poutine, a toutefois exclu mercredi une dévaluation et défendu la politique de la Banque centrale de Russie qui veut privilégier une plus grande flexibilité du rouble pour stimuler la croissance économique. "La tâche de la Banque centrale est de rendre le cours plus flexible", a renchéri jeudi sur la radio Echo de Moscou le ministre russe des Finances, Anton Silouanov. La banque centrale réduit en effet peu à peu son arsenal de mesures encadrant le rouble, qu'elle compte laisser évoluer totalement librement en 2015. Elle a annoncé la semaine dernière la fin de ses interventions quotidiennes visant à maintenir le rouble dans une certaine fourchette, limitant désormais ses achats de devises au moment où il sort de cette fourchette. "Il n'y a pas de raison économique pour dire que cette tendance va se poursuivre", a ajouté M. Silouanov. Un avis que ne partage pas Igor Nikolaïev, directeur de l'Institut d'analyse stratégique de la société de conseil FBK. "Il ne s'agit pas de fluctuations conjoncturelles de courte durée, c'est une tendance", dit-il. "Il ne peut y avoir d'économie forte et de devise nationale faible", estime-t-il. "Cela accélère l'inflation, pousse à se défaire du rouble et gèle les investissements", souligne-t-il, mettant en garde contre un cercle vicieux. "Une économie faible tire le rouble vers le bas et un rouble faible tire à son tour vers le bas l'économie", avertit-il. Selon Capital Economics, "le rouble devrait continuer à s'affaiblir encore plus au cours des deux années à venir".