Le président de Colombie, Juan Manuel Santos, a ordonné avant-hier soir au ministère de la Défense d'enquêter sur un présumé espionnage des représentants de son gouvernement aux pourparlers de paix avec la guérilla des Farc qui se déroulent actuellement à Cuba. " L'information qui est apparue selon laquelle on espionnait des fonctionnaires de l'Etat, en particulier les négociateurs de paix à La Havane, est totalement inacceptable ", a déclaré M. Santos, dénonçant une volonté de saboter le processus de paix de la part de forces obscures. Auparavant, une source judiciaire avait annoncé que le parquet avait ouvert une enquête dans cette affaire, qui a été révélée par la presse colombienne. Cela fait dix jours que le parquet a effectué une perquisition à Bogota et a trouvé des équipements informatiques qui sont en train d'être examinés par des experts, avait indiqué cette source. Selon l'hebdomadaire Semana, des secteurs de l'armée auraient créé depuis 2012 une cellule visant à intercepter illégalement les communications de plusieurs personnalités participant aux négociations de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la première guérilla du pays. " J'ai donné des instructions fermes au ministre de la Défense afin qu'on enquête à fond sur cette situation, (pour) savoir jusqu'où cela a pu aller, qui est derrière cela ", a précisé le chef de l'Etat, lors d'une rencontre avec la presse. Parmi les personnes espionnées figurerait notamment l'ancien vice-président Humberto de la Calle, qui dirige la délégation gouvernementale pour les négociations de paix, qui se déroulent depuis 15 mois à La Havane, la capitale cubaine. " Nous savions qu'il y avait de l'espionnage, c'était évident. La nouvelle, c'est qu'un secteur des renseignements militaires espionne le président de la République ", a affirmé à Cuba un des dirigeants des Farc. Ce secteur est lié au clan d'Uribe, a-t-il ajouté sous couvert d'anonymat, en référence à l'ancien président Alvaro Uribe (2002-2010), très critique du processus de paix en cours à Cuba. Les discussions entre des représentants du président Santos et de la rébellion marxiste visent à mettre fin au plus vieux conflit d'Amérique latine, qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts en un demi-siècle. Fondées en 1964, dans la foulée d'une insurrection paysanne, les Farc comptent encore selon les autorités entre 7 000 et 8 000 combattants, essentiellement repliés dans les régions rurales. Après l'arrivée au pouvoir de M. Santos en 2010, un scandale d'écoutes illégales d'opposants, de magistrats et de journalistes avait éclaboussé le gouvernement précédent, conduisant le chef de l'Etat à dissoudre le département des services secrets (DAS), qui avait été créé dans les années 50.