Un pétrolier battant pavillon nord-coréen qui avait été arraisonné avant-hier soir par des forces pro-gouvernementales, a échappé hier à son escorte, avec à son bord une cargaison illégale achetée à des rebelles autonomistes, ont annoncé des députés. Le pétrolier a profité des mauvaises conditions climatiques pour se diriger vers le large. Les navires qui le cernaient n'étaient pas en mesure de le suivre, a déclaré un membre du Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique du pays. Abdelkader Houili, membre du comité de l'énergie au CGN, a ajouté à la chaîne al-Nabaa que des navires des forces libyennes étaient contraints de s'approcher de la côte en raison de la météo. Le pétrolier a alors profité d'une brèche pour prendre le large, a-t-il dit. Un autre membre du Congrès et l'agence libyenne Lana qui cite aussi une source au Congrès, ont confirmé que le navire avait échappé à son escorte. Une source gouvernementale et le porte-parole de la Compagnie nationale de pétrole, n'étaient pas en mesure de démentir ou de confirmer l'information. Lundi soir, les autorités libyennes ont assuré avoir arraisonné le bateau. Mais un porte-parole des rebelles autonomistes, Ali al-Hassi, a démenti l'information, affirmant que le navire était toujours sous leur contrôle au port d'al-Sedra. Des hommes armés, qui faisaient partie des gardes des installations pétrolières libyennes, se sont rebellés contre les autorités de transition et bloquent les terminaux depuis juillet pour réclamer l'autonomie de la région orientale de la Libye. En suspendant de fait les exportations de brut, ils ont privé le pays de sa principale source de revenus, et provoqué une chute de la production à 250.000 barils par jour, contre près de 1,5 million b/j auparavant. Le Morning Glory, arrivé samedi matin dans le port d'al-Sedra, était le premier bateau à avoir reçu une cargaison des rebelles. Le procureur général libyen avait immédiatement ordonné l'arrestation du navire, et de son équipage.
Menace de bombardement En réaction, les autorités avaient annoncé dimanche le déploiement au large du port de forces de la marine libyenne, appuyées par d'ex-rebelles, pour empêcher le navire de repartir avec sa cargaison, faisant craindre un conflit armé en cas d'attaque contre le navire ou contre les autonomistes. D'autant que le Premier ministre Ali Zeidan avait menacé de bombarder le pétrolier, tout en mettant en garde contre une possible catastrophe naturelle en Méditerranée. Depuis juillet 2013, les autonomistes de l'Est libyen bloquent des sites pétroliers de cette région. Leur chef, Ibrahim Jodhrane, autoproclamé en août président du bureau politique de la Cyrénaïque, avait justifié ces blocages en accusant le gouvernement de corruption. Le gouvernement avait réfuté ces accusations, mais néanmoins ouvert une enquête. Les protestataires ont cependant rapidement affiché leurs véritables intentions en réclamant l'autonomie de la Cyrénaïque, et en annonçant la formation d'un gouvernement local, d'une banque et d'une Compagnie fédérale de pétrole. Après l'échec des médiations entreprises par des tribus et des responsables locaux, le gouvernement a menacé à plusieurs reprises de recourir à la force pour libérer les sites, sans jamais passer à l'action. Les partisans du fédéralisme affirment agir sur la base de la Constitution de 1951, qui divisait le pays en trois régions: la Cyrénaïque, la Tripolitaine (ouest) et le Fezzane (sud), avant la suppression du système fédéral en 1963. Nous n'œuvrons pas à une partition du pays, a assuré samedi Abd-Rabbo al-Barassi, président du bureau exécutif de la Cyrénaïque, équivalent de Premier ministre d'un gouvernement local. Les revenus du pétrole seront répartis sur les trois régions, a-t-il dit, promettant la transparence des transactions. Depuis la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi en 2011, après une rébellion de huit mois, la Libye est confrontée à une forte instabilité politique, à des tendances séparatistes et à des violences incontrôlées dans un contexte de prolifération des armes, qui empêchent tout essor économique.