"Je suis contente de vous rejoindre": pour sa première conférence de presse à la tête de la Banque centrale américaine (Fed), Janet Yellen a fait assaut de bonne volonté sans se départir du ton austère attaché à sa fonction. Pour la première fois depuis huit ans, les flashs n'ont pas crépité sur Ben Bernanke, l'ancien président de la Fed, mais sur cette sexagénaire à la silhouette menue et aux cheveux blancs, devenue depuis février une des femmes les plus puissantes du monde. Tranchant de fait avec les costumes austères de son prédécesseur, Mme Yellen s'est autorisé une petite touche de fantaisie, un foulard coloré rehaussant un tailleur noir très classique. Ses premiers mots suggèrent qu'elle apprécie le délicat exercice consistant à s'exprimer devant une cinquantaine de journalistes dont certains s'empressent d'immortaliser l'instant avec leur téléphone portable. "Bon après-midi. Je suis heureuse de vous rejoindre pour la première de mes conférences de presse consécutives à un FOMC" (le comité de politique monétaire de la Fed), lance cette économiste des formations qui fut jusqu'à février la vice-présidente de la Fed.
Sans surprise "Comme le président Bernanke avant moi, j'apprécie l'opportunité d'expliquer les décisions du FOMC et de répondre à vos questions", lance-t-elle et de délivrer un propos liminaire dense et technique. La Fed vient d'annoncer sans surprise la poursuite de la réduction de son aide à l'économie américaine mais elle vient aussi d'innover en abandonnant tout lien entre une remontée des taux directeurs et un taux de chômage de 6,5%. Chaussant ses petites lunettes, cette ancienne professeur d'université mise alors sur la pédagogie pour assurer que ce changement n'affecte en rien les vues de la Fed sur sa politique de taux bas. "Laissez-moi vous expliquer ceci plus en détail", lance-t-elle avant de se livrer dans une séance de questions-réponses guettée avec anxiété par les marchés financiers. Mme Yellen abandonne alors provisoirement ses petites lunettes, mais reste dans un répertoire très technique, évoquant les faiblesses du marché de l'emploi et le cap monétaire de la Fed.
“J'ai de la chance” Il n'y a aucun changement "dans les intentions" du comité de politique monétaire de la Fed, martèle-t-elle d'une voix précise, avec un fort accent new-yorkais. Au milieu de la conférence de presse, elle s'autorise toutefois une très courte parenthèse plus personnelle. "Je sens que j'ai de la chance car j'ai une grande expérience de la Fed parce que c'est compliqué et maintenant je vois que c'est à moi de prendre les décisions", répond-elle, lorsqu'on l'interroge sur la manière dont elle voit ses nouvelles fonctions. "Je sens nettement ce poids des responsabilités en assumant ce nouveau rôle", ajoute-t-elle avant de reprendre aussitôt son credo de la continuité, caractéristique des banquiers centraux. Mme Yellen a beau être la première femme à ce poste, aucune révolution n'est à prévoir dans cette institution centenaire, prévient-elle. "Je ne prévois pas jusqu'ici de changements radicaux à venir", assène-t-elle.