Les cours du pétrole repartaient à la hausse hier dans les échanges matinaux en Asie, en raison d'un regain d'inquiétudes sur la situation en Ukraine, pays de transit pour le pétrole et le gaz russes vers l'Europe. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai prenait 46 cents à 100,90 dollars en milieu de matinée et le Brent de la mer du Nord à même échéance gagnait 31 cents à 106,13 dollars. "Le regain de tensions en Ukraine soutient les cours" et "les investisseurs guettent le moindre signe pouvant éclairer les intentions de la Russie à propos de son voisin", a déclaré Desmond Chua, analyste chez CMC Markets à Singapour. L'Ukraine, qui a déjà perdu la Crimée absorbée par la Russie, reste confrontée à une menace de sécession de l'Est russophone où les pro-russes ont proclamé une "république souveraine" à Donetsk et réclamé leur rattachement à la Russie. Les Etats-Unis ont appelé mardi le président russe Vladimir Poutine à cesser de "déstabiliser" l'Ukraine, accusant Moscou d'"orchestrer" les manifestations pro-russes dans l'est ukrainien, tout en proposant une réunion quadripartite entre Américains, Russes, Ukrainiens et Européens. La veille, les prix du pétrole ont terminé en baisse à New York, dans le sillage du Brent de Londres, dans un marché se préparant à une éventuelle hausse de l'offre en brut libyen. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai a perdu 70 cents, à 100,44 dollars, sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai a cédé 90 cents sur l'Intercontinental Exchange (ICE), s'établissant à 105,82 dollars. Les autorités libyennes et d'ex-rebelles ont annoncé dimanche soir être parvenus à un accord prévoyant la levée immédiate du blocage de deux ports, celui de Zwitina et d'al-Hariga, d'une capacité totale d'exportation de 210 000 barils par jour (bpj). Les deux parties se sont par ailleurs accordé un délai de deux à quatre semaines pour trouver un accord final permettant la levée du blocage des deux autres ports: Ras Lanouf (200 000 bpj) et al-Sedra (350 000 bpj). "Ce n'est pas un scoop à proprement parler, sachant que nous avons appris la semaine dernière que des négociations étaient en cours, mais cela augmente la possibilité qu'une amélioration de la situation (dans le secteur pétrolier libyen) se concrétise", a noté Tim Evans, de Citi Futures. Ces accords pourraient en d'autres termes "aboutir à une hausse des exportations de brut de la région", et à une plus grande abondance de l'offre en or noir dans le monde, a expliqué Carl Larry, de Oil Outlooks and Opinion. "La pression ne s'exerce pas directement sur le marché du brut texan (moins sensible aux événements géopolitiques mondiaux que le Brent, ndlr) mais elle plombe le Brent, et c'est cela qui emmène le marché à la baisse", a précisé M. Larry. Les investisseurs restaient toutefois prudents, se méfiant des effets d'annonce. "Quelques ports pourraient rouvrir brièvement, notamment pour des raisons budgétaires", mais il y a déjà eu des annonces de règlement qui n'ont rien donné, ont rappelé les économistes de Morgan Stanley. En effet, le gouvernement libyen a annoncé à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois être proche d'un accord, sans que ces annonces ne soient suivies d'effet. La perturbation du secteur pétrolier libyen a provoqué une chute de la production à moins de 250 000 b/j - contre près de 1,5 mbj en temps normal - et occasionné des pertes estimées à plus de 14 milliards de dollars. En l'absence d'indicateurs économiques de première importance cette semaine aux Etats-Unis, et après un rapport sur l'emploi américain sans grande surprise vendredi, les opérateurs misaient par ailleurs "sur le maintien des échanges dans une fourchette de prix limitée" à New York, a estimé M. Larry. Les opérateurs surveillaient aussi une nouvelle escalade des tensions entre l'Ukraine et la Russie, sur fond de menaces de sécession de zones russophones frontalières de la Russie, a noté Bob Yawger, de Mizuho Securities, Des militants ont ainsi proclamé lundi une "république souveraine" à Donetsk, une initiative dénoncée comme un plan russe pour "démembrer" le pays par le gouvernement pro-européen de Kiev.