Robes longues, smokings et déjà des critiques acerbes, le 67e Festival de Cannes s'est ouvert mercredi soir avec "Grace de Monaco" pour une première montée des marches glamour. Elle compensait l'accueil glacial reçu le matin par le film d'Olivier Dahan. L'honneur d'ouvrir cette édition est revenu au réalisateur oscarisé Alfonso Cuaron ("Gravity") et à l'actrice Chiara Mastroianni, dont le père Marcello éclaire de son charme l'affiche du Festival. Peu avant, le maître de cérémonie Lambert Wilson et l'actrice Nicole Kidman avaient dansé entre les rangs du Grand Théâtre Lumière. La présidente du jury Jane Campion a déclaré toute sa flamme à un festival sans qui sa "carrière n'aurait pas été possible". Au cours d'une cérémonie plutôt enlevée, Lambert Wilson a rendu hommage au cinéaste français Alain Resnais, récemment disparu.
"Grace de Monaco" ciblé Les invités du festival devaient ensuite assister à la projection de "Grace de Monaco", interprétée par une Nicole Kidman éblouissante mercredi soir dans une robe bustier bleu électrique incrustée de pierreries. Le film avait été accueilli très fraîchement dans la matinée par la presse, les Anglo-Saxons étant les plus virulents envers un film "qui n'est pas un biopic", a rappelé Olivier Dahan, mais une "fiction inspirée de faits réels".
Plusieurs polémiques "Grace de Monaco" se concentre sur une période clé de la vie de la princesse, alors que Alfred Hitchcok lui demande de revenir tourner à Hollywood, sur fond de conflit fiscal entre le général De Gaulle et le prince Rainier. Le film avait déjà été précédé de plusieurs polémiques, avec les héritiers de Grace de Monaco qui ont fustigé un détournement de l'Histoire et avec le distributeur américain qui souhaitait un autre montage pour les Etats-Unis. Un accord a finalement été trouvé. La course pour la Palme d'or, remise le 24, débute jeudi avec l'entrée en lice des deux premiers films : "Mr. Turner" du Britannique Mike Leigh et "Timbuktu" du Mauritanien Abderrahmane Sissako.
Les acteurs non professionnels crèvent aussi l'écran A Cannes, il n'y a pas que des stars mondiales. Jeudi, Angélique, Ibrahim, Layla ou Karidja, tous des acteurs non professionnels, ont crevé littéralement les écrans cannois, un choix fait par les cinéastes pour plus de cohérence et de justesse avec le sujet. Pour incarner l'héroïne de "Party girl", qui ouvrait jeudi soir la section "Un certain regard du Festival", les trois jeunes réalisateurs Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis n'ont pas imaginé un seul instant choisir une actrice professionnelle, fusse-t-elle éventuellement Catherine Deneuve. "Il était hors de question que quiconque interprète le personnage d'Angélique, car on se serait trahi", résume Marie Amachoukeli. "Les autres ne peuvent pas jouer ce rôle, ils ne savent pas mon histoire!", renchérit la bouillonnante sexagénaire Angélique Litzenburger, mère de Samuel Theis, un des réalisateurs, qui signent un premier film détonant. Et quelle histoire! Angélique a passé 35 ans de sa vie comme entraîneuse dans les bars de nuit de villes sans âme entre la France et la Belgique. Un projet de mariage avec un habitué la fait se rapprocher de ses enfants, qui jouent également leur propre rôle à l'écran.
Issus d'un camp Le Mauritanien Abderrahmane Sissako a pris lui certains de ses acteurs dans le camp de réfugiés Mbera pour Maliens en Mauritanie. Parmi eux la petite Toya et le petit berger Issan, deux des héros de "Timbuktu", qui a ouvert la compétition cannoise. "La magie du cinéma, c'est vraiment dans la possibilité que la vie et le cinéma t'offrent si tu fais confiance, si tu n'es pas dans des schémas établis, avec le casting vérifié trois mois à l'avance", a dit Sissako, dont le film est un plaidoyer poignant contre l'Islam intransigeant au Mali. Le casting de "Bande de filles" de Céline Sciamma, présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, s'est fait lui dans la rue ou des centres commerciaux à Paris et en banlieue. "Ce n'était pas délibéré, mais je voulais qu'elles soient jeunes, qu'elles aient l'âge du rôle. Cette exigence de jeunesse a fait qu'on avait plus de chance de tomber sur des débutantes", raconte la cinéaste. Mission réussie: Karidja Touré est lumineuse en ado mal dans sa peau qui va trouver dans la bande composée de Assa Sylla, puissante, Lindsay Karamoh et Marietou Touré dont l'énergie est communicative.