L'agence de notation Standard and Poor's a relevé d'un cran la note de l'Espagne, emboîtant le pas à Moody's et Fitch et saluant sa reprise économique, même si cette embellie reste entachée par un chômage qui touche un actif sur quatre. La note à long terme du pays, l'un des plus frappés par la crise en zone euro, passe de BBB- (la plus faible possible pour un emprunteur fiable) à BBB, avec perspective stable, ce qui implique que SP ne devrait pas la modifier à court ou moyen terme. Cette bonne nouvelle se rajoute aux décisions identiques prises par les deux autres grandes agences de notation ces derniers mois, Moody's en février puis Fitch en avril. La note de solvabilité de la quatrième économie de la zone euro, qui avait entamé sa dégringolade en 2010, allant jusqu'à frôler la catégorie spéculative, remonte donc doucement à la faveur d'une reprise qui rassure les investisseurs. Les marchés sont ainsi plus cléments avec l'Espagne tant sur le marché des valeurs, où l'indice Ibex-35 des titres vedettes approche ses niveaux records en trois ans, qu'obligataire, le pays ayant par exemple réussi jeudi à passer pour la première fois sous le taux d'intérêt de 3% pour emprunter à dix ans. SP souligne l'amélioration de la croissance et de la compétitivité, résultat des efforts de réformes structurelles entrepris depuis 2010 dans une Espagne sortie au troisième trimestre 2013 de sa deuxième récession en cinq ans. Les chiffres préliminaires (de l'agence statistique européenne) Eurostat pour le premier trimestre montrent que le PIB réel a progressé de 1,6% en rythme annuel, relève l'agence de notation, un chiffre soutenu par une reprise progressive de l'emploi dans un nombre croissant de secteurs d'activité. De notre point de vue, les réformes récentes libéralisant les horaires d'ouverture du commerce de détail, les contrats à durée déterminée et les jeunes entreprises, semblent aussi soutenir la reprise, ajoute-t-elle. Mais elle met en garde, comme les autres agences avant elle, contre le niveau élevé de dette publique. Certains signes sont porteurs d'espoir: au premier trimestre, le pays a enregistré sa plus forte croissance en six ans, à 0,4% (par rapport au trimestre précédent). Le gouvernement attend une hausse du PIB de 1,2% en 2014 et 1,8% en 2015, puis une accélération jusqu'à 3% en 2017. SP annonce qu'elle a revu en hausse (ses) projections de croissance moyenne du PIB sur 2014-2016 à 1,6% contre 1,2% auparavant, pour refléter l'impact de la réforme du travail et des autres réformes structurelles.
Chômeurs découragés Sur le front de l'emploi, principal point noir de l'économie espagnole, l'embellie commence aussi, timidement: en avril, le chômage a connu sa plus forte baisse en treize ans, incitant le chef du gouvernement Mariano Rajoy à parler de changement de tendance. Mais la situation reste dramatique: selon les différentes méthodes officielles de calcul, le pays compte 4,7 millions à 5,9 millions de demandeurs d'emploi. Le taux de chômage, à 25,93% au premier trimestre, est proche du record historique (26,94% au premier trimestre 2013) et l'un les plus élevés du monde industrialisé. L'Institut national de la statistique (Ine) note une baisse inquiétante de la population active alors que nombre de demandeurs d'emploi, découragés, abandonnent leurs recherches voire quittent le pays. Jeudi, il a calculé que le nombre d'inactifs découragés, soit les personnes qui ne cherchent pas d'emploi car elles croient qu'elles ne vont pas en trouver, mais qui sont disponibles pour travailler, a bondi de 21,3% ces trois dernières années, atteignant 483 600 personnes à fin mars. Un découragement compréhensible: selon les chiffres publiés vendredi par l'Ine, en 2013 près d'un chômeur sur quatre, soit 23,1%, cherchait du travail depuis trois ans au moins. Alors que la population vieillit, avec toujours plus de départs en retraite, le nombre d'actifs diminue aussi avec le retour au pays de nombreux résidents étrangers, surtout les Britanniques, Equatoriens et Colombiens selon l'Ine. Les économistes font enfin remarquer les départs d'Espagnols à l'étranger pour y tenter leur chance, un phénomène surtout répandu chez les jeunes, rebutés par le chômage à 55,5% chez les moins de 25 ans.