Le groupe nucléaire français Areva, troisième producteur mondial d'uranium en 2013, extrait plus d'un tiers de son minerai au Niger où il a toutefois décidé de reporter l'exploitation du gisement géant d'Imouraren, jugé trop peu rentable. Areva, présent depuis plus de 40 ans au Niger, exploite deux grandes mines à côté d'Arlit, dans le nord du pays sahélien, via deux sociétés, la Somaïr et la Cominak, qui représentent près de 35% de sa production d'uranium totale. Leurs contrats d'exploitation, qui étaient arrivés à échéance le 31 décembre 2013, ont été renouvelés lundi par un accord signé au terme de 18 mois d'intenses négociations entre Niamey et le géant nucléaire. La Somaïr (détenue à 63,6% par Areva et 36,4% par l'Etat du Niger) a apporté une production de 2 730 tonnes d'uranium en 2013 au groupe, et la Cominak (qui appartient à 34% à Areva, 31% au Niger, 25% au japonais Ourd et 10% à l'espagnol Enusa) 513 tonnes. La production totale d'Areva au Niger, de 3.243 tonnes l'an dernier, se situe derrière celle du Kazakhstan (3 558 tonnes), et devant le Canada (2.338 tonnes). Au total, le groupe a produit 9 330 tonnes d'uranium en 2013. Le gisement d'Imouraren, aménagé par Areva depuis 2009 à 80 kilomètres au sud d'Arlit, aurait dû encore augmenter le poids du Niger dans la production du géant nucléaire, détenu à 87% par l'Etat français, directement et indirectement. Ce projet, destiné à devenir la deuxième plus grande mine d'uranium à ciel ouvert au monde, est censé produire 5 000 tonnes d'uranium par an à plein régime et représente un investissement initial de plus de 1,2 milliard d'euros. Areva en détient 56%, le Niger 34% et le sud-coréen Kepco 10%. Mais son inauguration, initialement prévue pour 2012, a été reportée à plusieurs reprises, notamment en raison de troubles dans la région et l'enlèvement en 2010, par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), de sept salariés du groupe et de son sous-traitant Sogea-Satom, une filiale du groupe de BTP Vinci, travaillant dans la mine d'uranium d'Arlit. Trois otages avaient été libérés en février 2011, et quatre autres fin octobre 2013. Cette fois, Areva et le Niger ont souligné que la mise en exploitation d'Imouraren dépendrait de l'amélioration des conditions de marché, car les prix actuels de l'uranium, en forte baisse depuis la catastrophe de Fukushima au Japon, ne garantissaient pas sa rentabilité. L'Etat du Niger et Areva mettront en place un comité stratégique paritaire qui décidera du calendrier de sa mise en production en fonction de l'évolution du marché, ont-ils précisé lundi dans un communiqué commun. La forte présence du groupe français au Niger s'est aussi traduite par des tensions avec les autorités locales. Le gouvernement nigérien a jugé à plusieurs reprises que le partenariat avec Areva dans l'exploitation de l'uranium était très déséquilibré et réclamé plus de retombées pour la population de ce pays sahélien pauvre, qui est pourtant le quatrième producteur mondial d'uranium, derrière le Kazakhstan, le Canada et l'Australie. Selon Areva cependant, 82% des taxes et dividendes générés par les mines depuis leur création sont revenus à l'Etat du Niger, contre 15% au groupe. Au total, le groupe français emploie 6 000 personnes directement et via des sous-traitants au Niger, dont 98% de Nigériens. Devenu premier producteur mondial d'uranium en 2009 et 2010, Areva a rétrogradé à la deuxième place en 2011 où il s'est maintenu l'année suivante, derrière le kazakh Kazatomprom. En 2013, le groupe français occupait la troisième place, derrière Kazatomprom et le canadien Cameco. L'activité mines d'Areva a représenté 19% d'un chiffre d'affaires total de 9,2 milliards d'euros l'an dernier, qui repose aussi sur ses activités dans les réacteurs et le retraitement des déchets nucléaires. Selon un rapport de 2010 du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), l'approvisionnement en uranium des 19 centrales nucléaires françaises d'EDF provenait à hauteur de 18% de minerai extrait au Niger en 2008, une proportion qui serait restée similaire en 2012 et 2013, selon une source industrielle. Sachant que, le gouvernement du Niger et le géant français du nucléaire Areva ont annoncé avant-hier avoir signé, après dix-huit mois d'âpres négociations, l'accord renouvelant le contrat d'exploitation de deux mines d'uranium, en vigueur depuis des décennies. Areva a accepté qu'une loi minière datant de 2006 soit appliquée à la Somaïr et la Cominak, les sociétés exploitant les mines dans le nord du Niger que le groupe français contrôle partiellement, ce qui constituait le principal point de désaccord entre les deux parties, indique un communiqué conjoint. L'application de cette loi fera croître la taxation sur le minerai extrait de 5,5 à 12%. Par ailleurs, les deux sociétés seront exemptées de TVA, selon le communiqué. Areva et l'Etat du Niger sont parvenus à un accord équilibré et durable pour poursuivre leur partenariat historique, dans le contexte d'un marché de l'uranium difficile, s'est réjoui Luc Oursel, le président du directoire d'Areva, présent à Niamey. Cet accord, initialement prévu pour dix ans mais dont le communiqué ne mentionne pas la durée, engage les partenaires sur le long terme et consacre la place majeure du Niger au sein de l'industrie mondiale de l'uranium, a-t-il souligné. Omar Hamidou Tchiana, le ministre nigérien des Mines, a également souligné le côté équilibré du nouveau contrat, félicitant les négociateurs, qui ont travaillé avec engagement depuis plusieurs mois dans le respect mutuel. Areva et le Niger ont aussi annoncé un nouveau report de l'exploitation de l'énorme gisement d'Imouraren, dont la mise en exploitation dépendra de l'amélioration des conditions de marché, les prix actuels de l'uranium ne permettant pas sa rentabilité. Un comité stratégique paritaire associant l'Etat du Niger et Areva sera mis en place afin d'analyser périodiquement le marché et de décider de la date de mise en exploitation d'Imouraren, poursuit ce texte, sans précision sur le calendrier. Dans le cadre de cet accord arraché à l'issue d'un long bras-de-fer, Areva accepte également de financer un tronçon de la route dite de l'uranium dans le nord du Niger, pour 90 millions d'euros, ainsi qu'un programme de développement agricole pour 17 millions d'euros. Le groupe français devra par ailleurs construire un nouveau siège social à Niamey regroupant l'ensemble des sociétés nigériennes liées à ses activités, et privilégier la nomination de directeurs généraux de nationalité nigérienne aux conseils d'administration de la Somaïr et de la Cominak en 2014 et 2016.