Le principal chef religieux chiite d'Irak a appelé à chasser rapidement les insurgés sunnites du pays, au moment où les Etats-Unis accentuent la pression sur le Premier ministre Nouri al-Maliki pour surmonter les divisions confessionnelles. Le président Barack Obama a promis d'envoyer des conseillers militaires pour aider l'armée irakienne à faire face à la vaste offensive lancée le 9 juin par des insurgés menés par les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), mais a exclu dans l'immédiat des frappes aériennes. Son chef de la diplomatie John Kerry est attendu ce week-end au Moyen-Orient et en Europe pour des consultations sur la crise irakienne et devrait selon des sources parlementaires américaines se rendre aussi en Irak. Sur le terrain, les insurgés sunnites consolident leur contrôle sur les larges pans de territoires pris dans quatre provinces du nord et de l'est du pays, et tentent de se frayer un chemin en direction de Bagdad, l'un de leurs objectifs selon un chef du groupe. Après la débandade des premiers jours, les forces armées tentent d'enrayer leur avancée. Mais 34 soldats ont été tués dans des combats nocturnes à Al-Qaïm (ouest), à la frontière syrienne, et au moins 30 miliciens chiites sont morts vendredi en repoussant une attaque d'insurgés contre Muqdadiyah, à 90 km au nord-est de Bagdad. Après avoir appelé la semaine dernière les Irakiens de toutes confessions à prendre les armes contre l'EIIL, le très influent grand ayatollah Ali Al-Sistani a insisté: si l'EIIL n'est pas combattu et chassé d'Irak, tout le monde le regrettera demain, quand les regrets n'auront plus de sens. Dans le centre de Bagdad, des dizaines d'hommes de tous âges parcouraient vendredi les boutiques de matériel paramilitaire à la recherche des casques, bottes et tenues de camouflage pour pouvoir se porter volontaires.
Eviter les erreurs du passé L'ayatollah Sistani a aussi appelé à la formation d'un gouvernement efficace qui évite les erreurs du passé, critique implicite contre M. Maliki, un chiite dont le bloc politique est arrivé en tête des législatives d'avril et qui ne parvient pas à former un nouveau cabinet tant les divisions sont profondes. Au pouvoir depuis 2006, M. Maliki est accusé d'avoir mené une politique confessionnelle qui a marginalisé la minorité sunnite, aliéné aussi ses partenaires kurdes et chiites, et préparé le terrain à l'offensive djihadiste. Il est honni par les insurgés qui ont, avec des attentats quasi quotidiens, ensanglanté le pays depuis plus d'un an. L'idée d'un départ du Premier ministre est même de plus en plus évoquée à Washington. Après l'engagement américain en Irak (2003-2011) qui a renversé le président sunnite Saddam Hussein et coûté la vie en huit ans à 4.500 soldats, le président Barack Obama a affirmé jeudi qu'il ne saurait y avoir de solution militaire. M. Maliki et les autres dirigeants irakiens sont face à un test, a prévenu le président américain en les appelant à surmonter la méfiance, les profondes divisions confessionnelles et l'opportunisme politique. A New York, le secrétaire général de l'ONU Ban ki-Moon a appelé toutes les communautés en Irak à travailler ensemble désormais pour contrer l'avancée de l'EIIL.
Avec ou sans Maliki La France a été plus loin en souhaitant que l'Irak se dote d'un gouvernement d'union avec ou sans M. Maliki. Le président russe Vladimir Poutine a en revanche appelé M. Maliki pour l'assurer du soutien total de la Russie aux efforts du gouvernement irakien. Malgré les critiques, M. Obama a néanmoins affirmé qu'il aiderait les Irakiens dans leur combat contre les terroristes qui menacent aussi les intérêts américains. Il a souligné que son pays était prêt à une action militaire ciblée et précise si et quand la situation sur le terrain l'exige. Washington a pour l'instant renforcé les vols de surveillance de l'Irak et va déployer très bientôt 300 conseillers militaires chargés d'entraîner et soutenir les forces irakiennes, et éventuellement de coordonner des frappes aériennes. Dans ce contexte, M. Obama a mis en garde l'Iran chiite contre une intervention militaire seulement au nom des chiites. En retour, Téhéran a accusé M. Obama de manquer de volonté pour combattre le terrorisme.
Plus d'un million de déplacés Depuis le 9 juin, l'EIIL a pris la deuxième ville d'Irak, Mossoul, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord). Cette avancée de l'EIIL, qui ambitionne de créer un Etat islamique après avoir pris des secteurs frontaliers en Syrie, a fait plus d'un million de déplacés. Les agences humanitaires de l'ONU ont accru leur aide pour ces déplacés mais l'insécurité croissante complique leur tâche. Une réunion à huis clos avec les pays donateurs est prévue vendredi à Genève. Selon l'ONU, environ la moitié des déplacés l'ont été par les combats dans la région occidentale d'Al-Anbar, où l'EIIL occupe plusieurs zones depuis janvier.