Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki était sous forte pression vendredi pour tenter de sortir son pays du chaos, après un rappel à l'ordre de l'allié américain qui a annoncé l'envoi de conseillers militaires pour aider à faire face à une offensive jihadiste. Le président Barack Obama va aussi envoyer ce week-end son chef de la diplomatie John Kerry au Moyen-Orient et en Europe pour des consultations sur la crise irakienne, une tournée qui devrait inclure un arrêt en Irak selon des sources parlementaires américaines. Sur le terrain, les insurgés sunnites consolidaient leur contrôle sur les larges pans de territoires pris dans quatre provinces du nord et de l'est du pays depuis le lancement le 9 juin de leur offensive d'envergure, et tentaient de se frayer un chemin en direction de Bagdad. Après la débandade des premiers jours, les forces armées, cherchant à reprendre l'initiative, livraient combat aux insurgés menés par le groupe jihadiste de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) et tentaient d'enrayer leur avancée. Au pouvoir depuis 2006, M. Maliki, un chiite, est accusé depuis des années par la minorité sunnite de la marginaliser et par ses opposants sunnites, chiites et kurdes d'accaparer le pouvoir et de se comporter comme un dictateur. Il est honni par les insurgés sunnites qui ont, avec des attentats quasi-quotidiens, ensanglanté le pays depuis plus d'un an, rappelant les années noires (2006-2007) des affrontements meurtriers entre chiites et sunnites, en pleine invasion américaine. Dans son intervention sur l'Irak, où l'engagement américain de huit ans a coûté la vie à 4.500 soldats après avoir renversé le président sunnite Saddam Hussein, M. Obama a affirmé qu'il ne saurait y avoir de solution militaire dans ce pays. Il a estimé que les actions futures de M. Maliki pourraient déterminer le sort du pays, alors que l'idée d'un départ du Premier ministre irakien est de plus en plus évoquée. Au moment où je m'exprime, lui (Maliki, NDLR) et les autres dirigeants irakiens sont face à un test, a prévenu M. Obama en les appelant à relever le défi qui est de surmonter la méfiance, les profondes divisions confessionnelles et l'opportunisme politique. 'Avec ou sans Maliki' Ce n'est pas à nous de choisir les dirigeants irakiens. Il est clair, cependant, que seuls les dirigeants qui peuvent gouverner en incluant (les différentes sensibilités et religions) peuvent surmonter la crise, a-t-il encore dit. La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, a été plus loin en souhaitant que l'Irak se dote d'un gouvernement d'union avec ou sans M. Maliki. C'est la première fois qu'un groupe terroriste menace de prendre le contrôle sur un Etat riche en pétrole et ce serait un danger considérable. Malgré les critiques contre M. Maliki, M. Obama, qui a répété que les troupes américaines ne retourneraient pas combattre en Irak, a affirmé que son pays aidera les Irakiens dans leur combat contre les terroristes qui menacent aussi les intérêts américains. Il a souligné que son pays était prêt à une action militaire ciblée et précise si et quand (...) la situation sur le terrain l'exige. Les Etats-Unis ont renforcé leurs vols de surveillance de l'Irak, y compris à l'aide de drones et de chasseurs F-18 décollant du porte-avions George H.W. Bush croisant dans le Golfe. Les quelque 300 conseillers militaires américains, issus des forces spéciales, auront pour mission d'entraîner, assister et soutenir les forces irakiennes, et pourraient servir à coordonner des frappes aériennes. Leur déploiement devrait intervenir très bientôt, selon un responsable. M. Obama a, dans ce contexte, mis en garde l'Iran chiite, voisin de l'Irak à majorité chiite, contre une intervention militaire seulement au nom des chiites. Combats à Tal-Afar Depuis le 9 juin, l'EIIL a pris la deuxième ville d'Irak, Mossoul, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord). Un de leurs chefs a affirmé que leur objectif était Bagdad où un plan sécuritaire a été mis en place pour la défendre. Les insurgés se sont en outre emparés d'une ancienne usine de production d'armes chimiques à al-Mouthanna, au nord de Bagdad, alors que des combats se déroulaient dans la ville stratégique de Tal-Afar (380 km au nord de Bagdad), proche des frontières syrienne et turque, d'où l'armée tente de déloger les rebelles, selon des sources de sécurité. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées avec l'avancée de l'EIIL qui ambitionne de créer un Etat islamique après avoir pris des secteurs frontaliers en Syrie où il participe à la guerre entre rebelles et régime. Enfin, une quarantaine de travailleurs indiens et quelque 80 Turcs sont toujours retenus en otages dans le nord irakien.