Le figuier est, très probablement, l'un des premiers arbres dont nos ancêtres aient savouré les fruits. Son histoire présente beaucoup d'analogie avec celle de l'olivier en ce qui concerne l'origine et les limites géographiques. Les diverses dénominations berbères pour désigner l'arbre, les fruits frais, les figues sèches attestent de son ancienneté sur le sol algérien. Avec l'olivier, la vigne et le grenadier, il constitue le fond de l'arboriculture de l'ancien monde méditerranéen. Les fruits du figuier (les botanistes ne manquent jamais de nous rappeler que ce sont les petites graines contenues dans la figue qui sont les fruits, la figue en elle-même ne serait que le réceptacle qui les contient) sont très appréciés chez nous, d'autant plus que l'arbre est très prolifique. Certaines variétés donnent des fruits sur six mois et plus. Les premières figues son dites "figues fleurs" (bakor), ce n'est qu'après leur cueillette que la fructification continue en s'étalant progressivement de l'été à l'hiver. Les figues peuvent être de différentes tailles, formes et couleurs, allant du jaune crémeux au noir. Leur chair change également de couleur d'une variété à l'autre. Le même arbre peut donner des fruits différents. Sa richesse en sucre, fibres et sels minéraux en fait un aliment recommandé par la diététique. La cuisine algérienne, à part les confitures et des tentatives de l'inclure dans des variantes de l'ham lahlou, ne lui a pas trouvé d'autres usages. En pharmacopée traditionnelle, nous retrouvons quelques formules pour stimuler le transit intestinal et adoucir les poitrines congestionnées. La vente de figues fraîches bat son plein à travers la wilaya de Tizi-Ouzou où elles sont proposées, depuis le début du mois d'août, à des prix variant entre 100 et 200 DA le kilo, selon la variété et le volume de ce fruit succulent appelé localement "lakhrif", signifiant également saison automnale, période de sa maturation. Dans une région réputée pour être le fief des figueraies, culture intimement liée à celle de l'olivier dont elle constituait le complément de l'économie vivrière locale, vendre de la figue fraîche à un tel prix relevait, par le passé, de l'imaginaire, tant ce fruit était disponible à profusion. Il était considéré comme un don du Ciel, ne se refusant jamais à celui qui en demandait, sous peine de s'attirer la malédiction des ancêtres pour manquement à une tradition qui les a toujours caractérisés. A présent, avec le délaissement du travail de la terre, la vente du "bakhsiss", vocable désignant localement ce fruit, s'est normalisée en s'incrustant dans les mœurs au point de devenir une pratique banale ancrée dans le décor, ne dérangeant que quelques paysans nostalgiques du temps où ce fruit était offert gratuitement. Une petite tournée à travers les rues de Tizi-Ouzou, notamment le long de la RN 12 et les principales places publiques de la ville, permet d'avoir un aperçu de la vente de la figue fraîche : des jeunes et des moins jeunes proposent ce fruit dans des caissettes en plastique et autres récipients de fortune, qui se sont substitués aux corbeilles en osier tressées qu'on employait pour honorer la cueillette de ce fruit. Installés à même les trottoirs où ils vantent la qualité de leur marchandise, invitant les passants à en déguster avant l'achat, ces commerçants, d'un genre nouveau, viennent des villages périphériques de Betrouna, Oued Aissi, Ouaguenoun, Beni Z'menzer, Ihasnaouène, Redjaouna, voire des Issers (Boumerdès), troquer la figue fraîche contre une poignée de dinars, histoire pour certains de se faire de l'argent de poche ou tout simplement se procurer une ressource d'appoint.