Comment l'agriculture africaine peut-elle contribuer plus efficacement au développement économique et à la lutte contre la pauvreté ? Telle est la problématique principale sur laquelle se pencheront les experts qui participeront à une conférence organisée à Rome les 12 et 13 novembre prochains. La manifestation est mise en place par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Banque mondiale, le Fonds international de développement agricole (Fida) et l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (Fao). Le rôle de l'agriculture dans l'émergence de pays en voie de développement sera donc au cœur de ce rendez-vous intitulé : Forum mondial sur le développement de l'agriculture et la réduction de la pauvreté en Afrique. Les perspectives d'évolution des marchés et l'impact des réformes intérieures et de l'aide internationale feront partie des thématiques abordées. Le Forum s'inscrit dans la droite lignée des conclusions d'un rapport édité par la Banque mondiale. Il préconise notamment d'investir davantage dans l'agriculture des pays en développement et estime qu'il est possible de faire reculer la pauvreté en incitant les exploitants à diversifier leurs productions. Horticulture, volaille ou produits laitiers sont autant de filières à forte valeur ajoutée vers lesquelles ils sont invités à se tourner. Il est vrai en effet que l'agriculture africaine est en crise et sa situation exige une réaction et des solutions rapides et efficaces. Les activités liées à l'agriculture constituent encore le moyen de subsistance d'environ 60 % de la population active du continent, représentent 17 % de la totalité du produit intérieur brut et 40 % de ses recettes en devises étrangères. Pourtant les rendements agricoles stagnent depuis des dizaines d'années. L'accroissement constant de l'ensemble de la production agricole, parfois par la simple culture de terres supplémentaires, compense à peine la croissance démographique de l'Afrique. Le retard de la production alimentaire a entraîné une augmentation du nombre de sous-alimentés chroniques, qui est passé de 173 millions de personnes en 1990-1992 à 200 millions en 1997-1999, selon les dernières statistiques disponibles, citées notamment par le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD). Sur ce total, 194 millions de personnes vivent en Afrique subsaharienne. Cette progression de la faim intervient malgré l'importance des importations alimentaires, qui ont coûté 18,7 milliards de dollars en 2000 seulement. Cette stagnation s'explique, selon le NEPAD, par de multiples raisons : la dépendance persistante vis-à-vis de précipitations aléatoires, les carences nutritionnelles des sols du continent, la taille réduite et la dispersion géographique des marchés locaux, l'instabilité et le repli des cours mondiaux des exportations agricoles africaines, la superficie modeste de la plupart des exploitations agricoles, le manque d'organisation chronique des cultivateurs, l'absence de routes dans les campagnes, la méconnaissance des besoins particuliers des agricultrices (qui produisent la plupart des vivres du continent) et la propagation du VIH/sida. En outre, les politiques agricoles des gouvernements africains se sont révélées insuffisantes, n'offrant que de faibles incitations économiques aux producteurs agricoles. Les mesures de privatisation et autres politiques d'ajustement structurel ont amené les Etats à se retirer "trop précipitamment" de la production directe. Faute d'un secteur privé viable, ce désengagement a provoqué une "profonde désorganisation de la production, du commerce des produits agricoles et des services d'appui à l'agriculture". Le secteur agricole en Afrique souffre également du manque de capitaux. Nombre de gouvernements consacrent moins de 1 % de leurs budgets à l'agriculture. Non seulement le volume global de l'aide consentie par les donateurs diminue, mais ceux-ci privilégient d'autres secteurs. C'est ainsi qu'à l'échelle mondiale, le montant de l'aide allouée aux activités agricoles est passé de 11 milliards de dollars en 1990 à 7,4 milliards en 1998. La diminution a été particulièrement sensible dans le cas de la Banque mondiale, qui consacrait 39 % de l'ensemble de ses prêts au secteur agricole en 1987, contre 7 % seulement en 2000.