L'OCDE est intervenue avant-hier dans le débat très vif sur les déficits en Europe, déclarant que la zone euro faisait peser sur l'économie mondiale un "risque majeur" justifiant des politiques budgétaires plus souples. "La zone euro s'approche du point mort et fait peser un risque majeur pour la croissance mondiale", selon l'OCDE, qui a dévoilé son rapport d'automne sur l'économie mondiale. Elle prévoit une croissance de 0,8% cette année en zone euro, 1,1% l'an prochain et 1,7% en 2016. Dans ce contexte, l'Organisation de coopération et de développement économiques juge que "le rythme plus lent de consolidation budgétaire structurelle (...) que la France et l'Italie proposent dans le cadre de leurs budgets 2015 semble justifié", à condition que des réformes structurelles soient mises en place. La remarque intervient à trois jours des avis de la Commission européenne sur les budgets européens, et surtout sur ceux de la France et de l'Italie, qui devraient échapper in extremis à une sanction aux termes de débats houleux. Intervenant dans un autre débat sensible, l'OCDE répète que la Banque centrale européenne doit prendre "des mesures supplémentaires". A propos de la France plus précisément, l'OCDE a encore un peu baissé sa dernière prévision de croissance 2015, à 0,8% contre 0,9% estimés début novembre. Le gouvernement français a lui bâti son budget 2015 sur une hypothèse de 1%. Selon l'OCDE l'économie française devrait ensuite croître de 1,5% en 2016 (contre 1,7% selon le gouvernement). L'organisation prévient que le chômage ne baissera pas en France avant 2016, touchant autour de 10% de la population active soit le double de l'Allemagne, et que cette même année la dette publique dépassera le seuil symbolique de 100% du Produit intérieur brut. L'OCDE, groupement de 34 économies avancées, juge que la France, même en ralentissant son rythme d'ajustement budgétaire, doit "mettre en place un contrôle plus serré de la dépense publique", et "avancer sur les réformes structurelles".
Efforts allemands Mais son économiste en chef Catherine Mann a jugé lors d'un point presse que l'Allemagne non plus "n'avait pas beaucoup avancé en termes de réformes" ces dernières années. Elle a demandé à Berlin de "davantage distribuer les fruits (de ses performances économiques) à ses propres citoyens, plutôt que de tout exporter", réclamant notamment des investissements dans l'accueil des jeunes enfants et dans les infrastructures, ainsi qu'une libéralisation des services. Le secrétaire général de l'OCDE Angel Gurria est lui aussi venu au secours de Paris, attaqué depuis Berlin ces derniers jours pour ses déficits, rappelant que la France avait promis d'économiser 50 milliards d'euros et l'Allemagne d'en investir seulement 10 milliards: "C'est un écart important", a-t-il lancé. Il a aussi fait valoir que face à une croissance européenne qui rechute de manière inattendue, se pose "une question de rythme" en termes de discipline budgétaire en Europe, soit l'argumentation défendue par le gouvernement français. Pour le monde, l'OCDE, qui a baissé ses prévisions par rapport à celle faites au mois de mai, table sur une croissance restant "modeste", retouchant tout juste sa moyenne historique. La croissance mondiale devrait atteindre 3,3% cette année, 3,7% l'an prochain puis 3,9%, tirée notamment par les Etats-Unis (2,2% puis 3,1% puis 3,0%), la Chine (7,3% puis 7,1% puis 6,9%) et le Royaume-Uni (3,0%, 2,7% puis 2,5%). Le rythme sera ralenti par la zone euro, avec une France à la peine et une Italie encore plus embourbée (l'OCDE voit une récession de 0,4% en 2014, puis des taux de croissance de 0,2% et 1%), face à une Allemagne plus robuste (1,5% de croissance en 2014 puis 1,1% et 1,8%). Un autre "point d'inquiétude" selon Mme Mann est le Japon avec une croissance attendue à 0,4% en 2014 puis 0,8% puis 1,0%. L'OCDE est donc devenue bien plus pessimiste en peu de temps, puisque le 6 novembre elle annonçait encore 0.9% en 2014, et 1,1% en 2015. Le Japon vient de retomber en récession, mettant en cause la politique de relance du premier ministre Shinzo Abe, qui a contre-attaqué en annonçant des élections générales anticipées.