L'Opep a estimé avant-hier que l'état actuel du marché ne justifiait pas l'effondrement actuel des cours de pétrole, pointant du doigt une probable spéculation, sur fond de nouvelle dégringolade des Bourses du Golfe. Le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), Abdallah al-Badri, a déclaré à Dubaï que "l'offre et la demande avaient connu une hausse --légère-- qui n'explique pas cet effondrement de 50%" des cours depuis la mi-juin. "Nous voulons connaître les raisons réelles qui ont conduit à un telle chute des cours du brut", a-t-il ajouté devant des journalistes qui l'interrogeaient sur le décrochage des cours qui ont atteint cette semaine un plus bas en cinq ans et demi, autour de 60 dollars le baril. Si cette chute se poursuit, cela signifiera que "la spéculation contribue fortement à pousser les prix à la baisse", a-t-il dit, en rappelant que le plafond de "production de l'Opep n'a pas changé depuis 10 ans, à quelque 30 millions de barils (mbj)". En revanche, a souligné le responsable, les pays producteurs non membres de l'Opep ont augmenté de quelque six millions de barils par jour supplémentaires leur offre, contribuant ainsi à la chute des cours.
Le schiste sans impact sur l'Opep M. Badri, qui s'exprimait en marge d'une conférence intitulée "Arab Strategy Forum", a ajouté que le pétrole de schiste, dont la production a augmenté notamment aux Etats-Unis et au Canada pour atteindre quelque 3 mbj, avait "un impact" sur le marché. Mais le coût de sa production est élevé, à 70 dollars le baril, selon lui. Assommés par une surabondance de l'offre mondiale face à des perspectives de demande peu vigoureuses, les prix du brut coté à New York, le WTI, ont encore baissé vendredi à des niveaux plus vus depuis cinq ans et demi, sous les 58 dollars. Le baril a perdu près de la moitié (46%) de sa valeur depuis son dernier pic de la mi-juin, selon des experts. Face à cette situation, les Bourses du Golfe ont poursuivi dimanche leur plongeon, alors que les monarchies de la région tirent jusqu'à 90% de leurs revenus de l'or noir. Lors de sa dernière réunion ministérielle fin novembre à Vienne, l'Opep a, sous la pression des monarchies du Golfe, maintenu inchangé son plafond de production malgré une surabondance de l'offre et la chute des cours. Selon des analystes, quatre des monarchies du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar et Koweït), membres du cartel dont elles assurent 52% de la production, cherchaient à maintenir ainsi la pression sur les producteurs de schiste et à défendre leurs parts de marché.
Pas en danger M. Badri a assuré que les monarchies du Golfe ne seraient pas affectées par l'effondrement des cours. Ces monarchies, qui se sont constituées des réserves financières de 2.450 milliards de dollars grâce à la manne pétrolière, "ne sont pas en danger", a-t-il insisté. Estimant qu'elles "passeront sans problème les deux ou trois prochaines années", il leur a cependant conseillé de "réduire leurs budgets", mais aussi de "baisser les subventions" à la consommation de produits énergétiques. Le responsable de l'Opep a exhorté ces monarchies et les autres membres du cartel à continuer à investir notamment dans la prospection et la production, car "une baisse des investissements dans le pétrole (...) conduira (à moyen ou long terme, ndlr) à une envolée de prix" qui, selon lui, pourraient atteindre "des niveaux très élevés". "L'industrie pétrolière aux Etats-Unis va ralentir (car) les réserves (américaines) sont faibles", a-t-il dit en citant des estimations de son organisation. "L'Amérique va dépendre du pétrole du Moyen-Orient pendant de longues années", a prédit M. Badri, indiquant que l'Opep, qui entend porter "sa production à 93 mbj" en 2040, "sera toujours là".